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HUI SHI[HOUEI CHE]ou HUIZI [HOUEI-TSEU](env. 370-env. 310 av. J.-C.)

Dialecticien chinois, un des grands sophistes qui ont été rangés dans ce qu'on appelle l'« école des noms » (Mingjia), Hui Shi (ou Huizi), dont aucun ouvrage ne nous est parvenu, est l'auteur d'un système, important et original, qui est connu par son ami Zhuangzi, comme lui originaire du pays de Song (actuelle province du Henan) et son principal interlocuteur, son antagoniste, son meilleur ami. La doctrine de Zhuangzi se définit souvent par contraste avec celle de Hui Shi, le meilleur « disputeur » (bianzhi) de son époque. Zhuangzi, dans le chapitre final de son œuvre, consacré à l'évaluation des « cent écoles » philosophiques de son époque, dit de Hui Shi : « C'est un homme habile en beaucoup d'arts [...]. Hui Shi faisait merveille avec ses pensées dans tout le pays, il les faisait connaître à tous les dialecticiens et ceux-ci lui répondaient avec plaisir [...]. Hélas ! Hui Shi, dispersant vainement son talent, s'est jeté à la poursuite de tout et n'en est jamais revenu. C'est vouloir faire taire les échos en criant, c'est courir pour attraper son ombre. C'est triste. »

Zhuangzi ridiculise son adversaire en racontant qu'un jour où l'on demandait à celui-ci pourquoi le ciel ne tombait pas sur la tête des humains, il ne s'esquiva pas : « Il avait réponse à tout, ce fut un flux de paroles ; et, plus il parlait, plus il tombait dans le verbiage, indéfiniment. Encore était-ce à ses yeux trop peu de chose ; il y ajouta des étrangetés. » Ces « étrangetés », Zhuangzi les énumère dans le même chapitre — ce sont les paradoxes, une dizaine, pour lesquels Hui Shi devint célèbre — mais il ne donne que les énoncés et non les démonstrations logiques qui devaient permettre de les prouver : « Les œufs ont des plumes, le cheval pond des œufs ; le chien blanc est noir », etc. Toutefois ce que Zhuangzi dit par ailleurs sur les discours de Hui Shi, ainsi que ses propres propos rapportés par d'autres penseurs, permettent d'acquérir une certaine idée des fondements théoriques des paradoxes et de leur grand intérêt pour l'histoire de la logique chinoise. Hui Shi est un relativiste, un sophiste absolu. Il cherche, et c'est en cela qu'il se rapproche des taoïstes et les a peut-être influencés, à prouver qu'en fin de compte tout l'univers est un. Son paradoxe le plus célèbre est le suivant : « L'infiniment grand n'a pas de dehors ; il s'appelle le Grand Un ; l'infiniment petit n'a pas de dedans, il s'appelle le Petit Un. » Le Grand Un se trouve aussi chez Laozi comme le principe transcendant, qui est à l'origine de l'univers et qui, en effet, embrasse tout. La conception du Petit Un est propre à Hui Shi et se rapproche de la notion de l'atome chez les Grecs. Entre le Grand Un et le Petit Un, tout est relatif : « Le ciel est à la hauteur de la terre ; les montagnes sont au niveau des marais. » Les natures des êtres sont également relatives : « Un être parvient juste à la vie que déjà il arrive à la mort [...]. Le chien peut s'appeler mouton », etc. Les différences d'espace et de temps, elles non plus, ne sont pas réelles : « À peine le soleil parvient-il à son zénith qu'il oblique déjà. Je vais aujourd'hui à Yue [région de la Chine du Sud] et pourtant j'y suis venu hier. Le Sud est sans limite et pourtant limité. Qi et Qin [deux États] sont superposés. »

La conclusion de tous ces paradoxes est l'idée de l'unité de l'univers ; Hui Shi traduit ce principe sur le plan moral en proclamant qu'« il faut aimer universellement » (fan'ai) non seulement tous les hommes, mais encore tous les êtres. Il prêche donc la non-violence et l'abolition des dignités, c'est-à-dire l'établissement d'une société anarchique.[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

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