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HUIS CLOS, Jean-Paul Sartre Fiche de lecture

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre

Deuxième pièce écrite par Jean-Paul Sartre (1905-1980), Huis clos fut représenté pour la première fois au théâtre du Vieux-Colombier à Paris, le 27 mai 1944, avant d'être publié chez Gallimard l'année suivante. Après Les Mouches (1943), parabole sur la résistance en pleine Occupation, Sartre semblait s'éloigner d'un théâtre engagé dans l'Histoire au profit d'un apologue philosophique sur la liberté de l'Homme et ses rapports avec autrui. Rupture apparente seulement, tant il est vrai que la pièce offrait de profondes résonances avec un temps et des circonstances où chacun était sommé de faire des choix. « Jamais, dira Sartre plus tard, nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande. »

« L'enfer, c'est les autres »

Un acte unique divisé en cinq scènes dont la dernière occupe à elle seule plus des trois quarts de la pièce, une action réduite à sa plus simple expression – la confrontation de trois personnages –, située nulle part et hors du temps, une fin qui ne résout rien et ouvre sur un éternel recommencement... Par sa structure même, Huis clos semble tenir de la gageure formelle. Les quatre premières scènes forment une manière d'exposition. Dans le salon « style second Empire » de ce qui semble être une chambre d'hôtel, un « garçon » (d'étage ?) introduit successivement un homme et deux femmes : Garcin, Inès et Estelle. Très vite, on comprend que les trois personnages sont morts et se trouvent en enfer (il règne d'ailleurs une chaleur étouffante). Au début de la cinquième scène, chacun commence par évoquer vaguement sa mort et sa vie (Garcin, fusillé, était « publiciste et homme de lettres », Inès, asphyxiée au gaz, employée des Postes, Estelle, victime d'une pneumonie, bourgeoise mondaine), tout en observant les réactions des proches demeurés sur terre. Mais bientôt la promiscuité, incompréhensible et insupportable, fait tomber les masques. Garcin n'est pas le héros qu'il prétend : militant pacifiste, il a été arrêté alors qu'il fuyait lâchement. Pis, en toute bonne conscience, il a fait mourir sa femme de chagrin (« Je rentrais saoul comme un cochon, je sentais le vin et la femme »). Inès, lesbienne perverse, a poussé son cousin sous un tramway afin de séduire sa femme, Florence, qu'elle a ensuite torturée mentalement (« Moi, je suis méchante : ça veut dire que j'ai besoin de la souffrance des autres pour exister »), jusqu'à ce que celle-ci finisse par ouvrir le robinet du gaz. Estelle, enfin, a noyé l'enfant qu'elle venait d'avoir avec son amant, Roger, lequel s'est tiré une balle dans la tête de désespoir (« C'était une fille. Roger était près de moi quand elle est née. Ça l'amusait d'avoir une fille. Pas moi »). Ces confessions, loin d'apporter la paix, ne font qu'aviver la haine au sein du trio. Des alliances s'ébauchent, vite rompues : Inès tente de séduire Estelle, qui se rapproche de Garcin. En vain. De ce jeu de pouvoirs plus que de désirs, il ne peut rien sortir. Aucune fuite, nulle échappatoire : prisonniers à jamais de leurs actes et condamnés à « vivre » pour l'éternité sous le regard des deux autres, Inès, Estelle et Garcin témoignent tragiquement de ce que, comme le résume ce dernier d'une formule demeurée fameuse, « l'enfer, c'est les autres ».

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    ...donc menacés par le regard de l’autre, quelles que soient ses intentions à notre égard. Sartre, philosophe en même temps que dramaturge, illustrera dans sa pièce de théâtre Huis clos (1944) les réflexions développées dans L’Être et le Néant. « L’enfer c’est les autres » : cette réplique, souvent...