HUIZONG [HOUEI-TSONG](1082-1135)
Huizong, calligraphe et peintre
La façon vétilleuse dont Huizong régentait toute la vie de l'Académie aurait pu avoir des conséquences néfastes pour la création artistique, s'il n'avait été lui-même un peintre des plus compétents. Bien qu'il soit difficile aujourd'hui d'isoler avec certitude son œuvre personnelle de la production de l'Académie (chacune de ses peintures était copiée à des centaines d'exemplaires, et lui-même, en signe d'appréciation, apposait sa signature et son sceau sur les travaux académiciens dont il était le plus satisfait), il n'y a pas lieu de douter de la qualité éminente de son talent. Les éloges dithyrambiques qui lui furent prodigués de son vivant pourraient être sujets à caution ; mais le jugement des critiques ultérieurs n'a jamais démenti l'admiration de ses contemporains. De plus, à défaut de peintures dont l'attribution soit indiscutable, il reste un certain nombre de ses calligraphies, qui attestent d'une vive sensibilité et d'une éblouissante maîtrise du pinceau. En calligraphie, il a créé un style – de caractère au fond très pictural –, qui manque peut-être de puissance et frise le maniérisme, mais n'en possède pas moins un rythme nerveux d'une fascinante originalité. Quant aux peintures qui lui sont couramment attribuées, elles permettent d'avoir une idée assez précise de son art, recoupant d'ailleurs tout ce que nous savons des conceptions esthétiques de Huizong, à partir des textes de l'époque.
Les caractères distinctifs de sa peinture – et de la production de l'Académie en général – sont une technique minutieuse mais souple, brillante mais sans virtuosité gratuite, un naturalisme analytique, une fidélité scrupuleuse dans le rendu des modèles. Huizong et ses académiciens pratiquaient principalement la peinture de fleurs, d'oiseaux et d'insectes, et les récits des historiens révèlent que l'empereur était particulièrement tatillon pour l'observation correcte des détails botaniques et zoologiques. Cette vérité rigoureuse des formes acquiert toutefois une curieuse irréalité par la perfection quasi immatérielle de l'exécution. À tout cela s'ajoutent le goût de l'anecdote familière, l'amour de la nature dont la candeur contraste avec l'élégance apprêtée du métier, une clarté de la présentation, l'organisation savante de l'espace, une grâce décorative qui ne va pas sans statisme ni sans une certaine déperdition de vitalité. Avec la stricte soumission qu'elle témoignait simultanément et à la réalité objective et aux règles académiques d'ordre abstrait, cette peinture prenait l'exact contre-pied de la spontanéité subjective et des épanchements individualistes qu'avaient manifestés un peu plus tôt les premiers grands représentants de l'art des lettrés (Su Dongpo, Mi Fu). S'appuyant sur le prestige de Huizong, la réaction conservatrice fut pour un temps prépondérante et continua à s'épanouir sous les Song du Sud, à l'académie de Hangzhou. Il ne faudrait cependant pas croire qu'il s'agissait uniquement là d'un art de cour artificiellement imposé par le souverain. Le mérite et la signification de l'œuvre de Huizong proviennent au contraire de ce qu'elle correspondait à certaines constantes profondes de la sensibilité chinoise et renouait avec une tradition – remarquablement illustrée dès les Cinq Dynasties par des artistes tels que Xu Xi et Huang Quan –, dont la valeur ne doit pas être sous-estimée au profit exclusif de la peinture des lettrés : la capacité de renouvellement et la diversité dont la peinture chinoise a témoigné tout au long de son histoire proviennent précisément de ce constant dialogue qu'elle a su maintenir entre des courants apparemment antinomiques.[...]
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Écrit par
- Pierre RYCKMANS
:
reader , Department of Chinese, Australian National University
Classification
Autres références
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CHINOISE CIVILISATION - Les arts
- Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT , Daisy LION-GOLDSCHMIDT , Michel NURIDSANY , Madeleine PAUL-DAVID , Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS , Pierre RYCKMANS et Alain THOTE
- 54 368 mots
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...simultanément. Sa vogue sera d'autant plus large que, durant le premier quart du xiie siècle, elle sera directement soutenue et illustrée par l'empereur Huizong – lui-même peintre de talent. Huizong avait rassemblé dans son académie un certain nombre de professionnels habiles dont le registre, mineur peut-être,...