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HUMAIN, TROP HUMAIN, Friedrich Nietzsche Fiche de lecture

La genèse de Humain, trop humain. Un livre pour esprits libres commence en juin-juillet 1876 : en marge du premier festival de Bayreuth, Friedrich Nietzsche (1844-1900) dicte à Hermann Köselitz (connu sous le pseudonyme de Peter Gast) les premiers aphorismes. En février 1876, il a fait la connaissance de Paul Rée, dont les Remarques psychologiques (1875) et L'Origine des sentiments moraux (1877) influencent Humain, trop humain. En particulier, c'est Rée qui a poussé Nietzsche à s'appuyer sur les moralistes français pour s'affranchir de l'influence de Wagner et de Schopenhauer. Le moment décisif de la composition d'Humain, trop humain est le séjour à Sorrente, de la fin octobre 1876 au printemps 1877 : Nietzsche avait été invité par Malwida von Meysenbug à passer en Italie son année de congé de l'université de Bâle. Il avait fait venir aussi Paul Rée et l'un de ses étudiants de Bâle, Albert Brenner. Dans le petit hôtel Villa Rubinacci, villégiature et « cloître moderne », les heures de discussion et de lecture à haute voix alternaient avec les heures d'écriture. Le manuscrit d'Humain, trop humain fut envoyé à l'éditeur Schmeitzner le 3 décembre 1877, et l'ouvrage publié le 1er mai 1878. Il était dédié à Voltaire, pour le centenaire de sa mort.

Ceux qui avaient admiré La Naissance de la tragédie(1872) furent irrités ou déconcertés par Humain, trop humain : Wagner y vit une déclaration de guerre, tandis que Jakob Burckhardt et Erwin Rohde ne s'accommodaient pas du nouveau style de Nietzsche. L'interprète de la culture grecque et le métaphysicien d'inspiration schopenhauerienne était devenu un moraliste, un psychologue et sociologue de la culture, un auteur virtuose d'aphorismes et de fragments ciselés et provocants. Nietzsche ajoutera une deuxième partie à l'ouvrage, deux autres cycles d'aphorismes et de fragments, Opinions et sentences mêlées (composé en août 1878 et publié en mars 1879) et Le Voyageur et son ombre (composé à Saint-Moritz en juillet-août 1879 et publié en décembre 1879).

« Une œuvre de crise »

Dans les analyses rétrospectives qu'il a données d'Humain, trop humain dans l'Avant-propos écrit à Nice en 1886 pour la réédition du livre puis dans Ecce homo (1888), il définit cet ouvrage comme une « œuvre de crise » qui marque son premier « renversement des valeurs », caractérisé par le dépassement de l'idéalisme et du « besoin métaphysique », et par la recherche de cette nouvelle sagesse qu'il appelle « la grande santé ».

Dans Humain, trop humain, après avoir balayé et « dépassé » les questions fondamentales de la métaphysique (par exemple la distinction entre la chose en soi et le phénomène, ou l'identité logique), Nietzsche part à la recherche des origines de la culture, de l'État et des conventions sociales. La philosophie classique tend à se transformer en « science de l'homme et de la société ». Le monde étant interprété comme un édifice d'erreurs, d'illusions et d'apparences esthétiques « nécessaires à la vie », la tâche du philosophe sera d'interpréter ces points de vue au moyen d'une phénoménologie fragmentaire et non systématique, chaque aphorisme ou fragment ouvrant une perspective.

Contre la tradition platonicienne et kantienne de l'éthique, Nietzsche élabore une méthode généalogique dont l'aboutissement sera précisément La Généalogie de la morale. La psychologie de quelques types de comportement (la culpabilité, la honte, la reconnaissance, la rancune, le ressentiment), la critique des « mensonges conventionnels » (les notions de vertu ou de libre arbitre), la prise en compte des rapports de force sociaux (les relations entre inégaux, la loi du plus fort, l'attitude du plus faible) vont de pair[...]

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