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HUMAIN, TROP HUMAIN, Friedrich Nietzsche Fiche de lecture

Culture et décadence

Dans un esprit véritablement voltairien, Nietzsche analyse les systèmes religieux pour démontrer qu'ils n'ont aucun contenu de vérité mais procèdent de l'angoisse et du besoin existentiels, ainsi que des tâtonnements de la rationalité. Il ébauche une typologie de l'ascète, de l'artiste et du chercheur scientifique qui va de pair avec la critique corrosive de l'idée romantique de génie. Par touches successives, il esquisse une théorie de la langue, née du geste et du signe acoustique, selon la même logique « mimétique » que l'œuvre d'art poétique, musicale ou plastique.

Religion et morale, œuvres d'art et savoirs scientifiques, philosophie, sont les traits fondamentaux qui caractérisent ce que Nietzsche appelle, sur le modèle de Jakob Burckhardt, une culture. Chaque époque de la culture est alors pensée comme un cycle de développement, d'apogée et de décadence. Les temps modernes, corrompus par les idées démocratiques, le socialisme, le nationalisme et l'antisémitisme ne laissent guère de place à une « grande politique » et à une haute culture.

Dans la dernière partie d'Humain, trop humain, « Le voyageur et son ombre », Nietzsche renouvelle la figure romantique de l'artiste solitaire et nomade, à la fois pèlerin et conquistador, véritable allégorie de l'esprit libre. Avec une solennité qui annonce le lyrisme d'Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1885), il se représente comme un « voyageur » arrivé au midi de sa vie : « Le silence se fait autour de cet homme, le son des voix s'atténue de plus en plus, le soleil tombe à pic sur sa tête. [...] C'est une mort au regard éveillé. L'homme voit là beaucoup de choses qu'il n'a jamais vues et tout ce qu'il peut apercevoir est enveloppé d'un tissu de lumière » (II, parag. 308).

— Jacques LE RIDER

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