BOGART HUMPHREY (1899-1957)
Des rôles de composition
Après ces quatre films qui consacrent définitivement la légende d'Humphrey Bogart, l'acteur reprend le dessus et paraît rechercher des rôles de composition, en particulier grâce à la création de sa propre maison de production. John Huston, le fidèle complice, lui en fournit le premier l'occasion en le transformant en aventurier hirsute et débraillé dans Le Trésor de la Sierra Madre (The Treasure of the Sierra Madre, 1948). Quelques années plus tard, le réalisateur et l'acteur creuseront ce sillon de manière magistrale avec The African Queen (1951) : Bogart y campe un truculent capitaine Charlie Allnut, contraint à une traversée pleine d'embûches en compagnie de Miss Rose Sayer (Katharine Hepburn), vieille fille de missionnaire. Leurs joutes verbales, puis leur histoire d'amour pleine d'humour et de tendresse, loin des stéréotypes hollywoodiens, affirment sans ambiguïtés que la personnalité d'Humphrey Bogart ne se réduit pas à un charisme peu commun : il possède un vrai talent d'acteur, subtil et savoureux.
L'acteur donne également sa chance au jeune Nicholas Ray en produisant et interprétant Les Ruelles du malheur (Knock on Any Door, 1949), et surtout Le Violent (In a Lonely Place, 1950). Désormais la preuve en est faite, même si des œuvres comme Ouragan sur le Caine (The Caine Mutiny, Edward Dmytryk, 1954) ou La Main gauche du Seigneur (The Left Hand of God, Edward Dmytryk, 1955) sont loin de posséder l'élégance et la finesse des réalisations de John Huston ou de Richard Brooks (Bas les masques[Deadline USA], 1952).
Humphrey Bogart s'est dit mal à l'aise dans la comédie, et Sabrina (1954) fut un mauvais souvenir, tant pour lui que pour son réalisateur Billy Wilder. Pourtant le film est délicieux et sa composition d'homme d'affaires endurci qui dépoussière un vieux gramophone et un 78 tours rayé (« Yes, we have no bananas ») pour séduire l'exquise Audrey Hepburn, d'un quart de siècle sa cadette, est irrésistible.
La fatigue de Bogart, causée par un cancer de l'œsophage, se lit de plus en plus sur son visage qui se creuse et sa silhouette qui se voûte. C'est presque un masque mortuaire qu'il offre à son public dans Plus dure sera la chute (The Harder They Fall, Mark Robson, 1956). Il y joue le rôle d'un manager de boxe qui, en une ultime salve d'honneur, refuse les combines. Le film est terne, mais Bogart n'a jamais paru plus tragiquement marqué. Ce sera sa dernière incarnation, car il meurt le 14 janvier 1957. C'était son soixante-quinzième film.
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Écrit par
- Christian VIVIANI
: historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue
Positif
Classification
Médias
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