HUNDERTWASSER FRIEDRICH STOWASSER dit FRIEDENSREICH (1928-2000)
Figure majeure de l'art autrichien de l'après-guerre, Friedrich Stowasser est né à Vienne le 15 décembre 1928. Issu d'une famille juive très pauvre, rien ne le prédestinait à la carrière artistique. Cependant, il témoigna très jeune d'un vif intérêt pour le dessin et d'un goût prononcé pour la nature. Si celle-ci fut d'abord le fruit de son imagination, il la découvrit après la guerre en travaillant chez un agriculteur. La vie rurale le décida à devenir peintre, persuadé qu'il était de trouver dans l'art « une expression appropriée à cette expérience de la nature ».
En 1948, il découvre les dessins d'Egon Schiele à la Graphische Sammlung Albertina de Vienne. La rencontre est décisive ; elle va déterminer sa carrière, de même que l'influenceront des artistes célèbres comme Klimt et Klee ou méconnus comme Walter Kampmann.
Après un long voyage en Italie, au cours duquel il fait la connaissance du peintre René Brô et transforme son nom en Friedensreich Hundertwasser, il s'installe à Paris en 1950. Pris en charge par une famille de Saint-Mandé qui croit en son génie, il ne cesse d'aller et venir d'un pays à l'autre, voire d'un continent à l'autre. Sa passion pour l'art byzantin et pour les miniatures orientales, le séjour qu'il fait au Maroc puis en Tunisie en 1951 le confirment dans une orientation résolument décorative. Hundertwasser impose très vite un style personnel fondé sur une figuration naïve et richement colorée, qui intègre des éléments tantôt symboliques, tantôt abstraits, parmi lesquels le motif de la spirale devient une véritable signature : Le Grand Chemin, daté de 1955, est caractéristique de sa manière.
Vers le milieu des années 1950, Hundertwasser élabore une théorie dérivée du surréalisme qu'il désigne sous le nom de « transautomatisme ». Elle le conduit à décliner une iconographie faite de lignes serpentines et de compositions mosaïquées qui mêlent souvenirs de voyages et visions quasi hallucinées. Le thème de la ville que corrobore son intérêt pour l'architecture y occupe une place de plus en plus envahissante. Après avoir publié une Grammaire du voir, il rédige en 1958 un Manifeste de la moisissure contre le rationalisme en architecture et fonde à Vienne, l'année suivante, le Pintorarium, une académie universelle de la création.
Multipliant voyages, séjours et expositions, Hundertwasser adopte un mode de vie nomade et expérimental : il enseigne, organise des performances, écrit, fait des lectures publiques, participe à des émissions de télévision, réalise un film présenté à Cannes... Au cours des années 1960-1970, il continue à arpenter le monde – le Japon, la Grèce, le Tyrol, la Californie, la Nouvelle-Zélande... – et il expose partout.
À Venise, il acquiert un bateau, le Regentag (Jour-de-pluie) pour traverser l'Atlantique ; il parcourt l'Amérique du Sud, revient en Europe, inlassablement. Doué d'une incroyable énergie, il ne cesse de travailler, multipliant peintures, dessins, estampes et boîtes. Son art tend peu à peu vers une figuration volontiers organique dont les formes et les couleurs suggèrent des structures cellulaires comme en témoigne une œuvre ambitieuse, Les fenêtres rentrent à la maison, 1978-1979.
Parallèlement, Hundertwasser, que l'architecture passionne, conçoit toutes sortes d'édifices qui sont l'illustration de son activité militante de protection de l'environnement. Il réalise de très nombreuses maquettes de maisons et de jardins, rénove d'anciens bâtiments – églises, usines, silos à grain, etc. – qu'il dote de façades dans l'esprit de l'architecture d'Antonio Gaudí, le maître catalan ; comme le Kunsthaus Wien (1989-1991) qui abrite un musée Hundertwasser et des salles consacrées à des[...]
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Écrit par
- Philippe PIGUET : historien, enseignant, critique d'art
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