HUTTÉRIENS
Issue du courant pacifiste et communautaire de l'anabaptisme du xvie siècle, la secte des huttériens (ou huttérites) revêt une valeur sociologique exemplaire par la rigueur avec laquelle, jusqu'à l'époque actuelle et par-delà plusieurs migrations successives qui l'ont amenée finalement en Amérique du Nord, elle est restée fidèle non seulement à son idéal religieux primitif, mais aussi à sa structure initiale, ainsi qu'au dialecte et même aux costumes de son milieu original. Elle fut fondée en Moravie, à Nikolsburg (actuellement Mikulov, Tchécoslovaquie), par un pasteur anabaptiste tyrolien, Jakob Hutter, torturé et brûlé comme hérétique en 1536. Le mouvement huttérien groupait alors des milliers de frères répartis dans des fermes communautaires, d'où était bannie la propriété privée et dans lesquelles le chef distribuait le travail. Après l'écrasement de l'anabaptisme militaire à Münster en 1535, les huttériens s'installèrent à Austerlitz, puis, fuyant les persécutions, ils émigrèrent successivement en Slovaquie, en Transylvanie et, au milieu du xviiie siècle, en Russie. Leur refus de porter les armes les conduisit à partir, vers 1860, afin d'échapper au service militaire imposé par le tsar, pour les États-Unis où ils fondèrent, en 1874, dans le sud du Dakota, trois communautés groupant en tout sept cents frères. Au début de la Première Guerre mondiale, refusant toujours de se battre, ils émigrèrent en grande partie au Canada. On en comptait, en 1965, environ treize mille dans ce pays et cinq mille aux États-Unis (leur taux de natalité est extrêmement élevé : près de 50 p. 1 000).
Ces frères huttériens continuent de parler l'allemand du xvie siècle — n'utilisant l'anglais que dans leurs rapports avec le monde extérieur —, de vivre en cercle fermé dans leurs communautés agricoles, dont chacune se divise pour créer une nouvelle colonie dès qu'elle a atteint plus de cent cinquante personnes. Souvent incompris de leurs voisins et parfois entravés dans leur développement par des lois locales discriminatoires, les huttériens s'abstiennent de toute violence et de tout prosélytisme ; ils respectent tous les hommes, jugeant seulement que les « autres » sont voués à la perdition et que le salut ne peut se trouver que dans leur communauté et que dans le genre de vie auquel ils se soumettent.
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Écrit par
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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