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HUTU

La population hutu est principalement concentrée au Rwanda et au Burundi, où elle constitue le groupe humain le plus important , mais elle est présente aussi dans les pays voisins, République démocratique du Congo, Tanzanie et Ouganda, qui servent notamment de zones de refuge lors de chaque conflit opposant tant au Rwanda qu'au Burundi des factions politiques qui utilisent l'identification ethnique comme une arme de mobilisation politique.

Dans l'ethnologie classique, les Hutu sont présentés comme un peuple bantou, issu de migrations venant du Nord. Dans la tradition ethnographique et bureaucratique du xixe siècle, ils sont décrits comme petits, aux membres épais et à la capacité intellectuelle peu développée. Ils sont associés à une activité d'agriculteurs qu'ils étaient censés exercer toujours sous la domination des Tutsi, qui leur imposaient un ordre politique et un système économique de type féodal par le biais de contrats matérialisés par le prêt de vaches (au Burundi, ubugabire ; au Rwanda, ubuhake) et établissant entre eux une relation d'interdépendance hiérarchisée. Cette différence ethnique n'excluait pourtant pas, au Rwanda comme au Burundi, l'existence d'une langue et de systèmes de croyances communs ainsi qu'une cohabitation sociale et géographique des deux groupes. Au Rwanda, le pouvoir était confisqué par un groupe de Tutsi soumettant la population hutu à une domination sans partage. Au Burundi, au contraire, le pouvoir fut confisqué par un groupe « ni tutsi, ni hutu » (bien que vraisemblablement d'origine hutu), les ganwa (les princes du sang), qui le conservèrent jusqu'à l'indépendance et dont la seule existence vient détruire le mythe de l'oppression ancestrale des Hutu par les Tutsi.

La domination coloniale vint polariser tous les enjeux sociaux sur ce dualisme identitaire hutu/tutsi en posant les jalons d'une séparation systématique des deux groupes. Ce qui n'était qu'une simple appartenance sociopolitique avant la colonisation, permettant à chaque personne de se situer dans les rapports sociaux très complexes et susceptibles de multiples articulations, est devenu un critère unique et non négociable de différenciation raciale et de légitimation de l'accès au pouvoir.

L'identité hutu – constituée par opposition à l'identité tutsi – va devenir un enjeu politique considérable dans la lutte pour le pouvoir étatique lorsque l'accession du Burundi et du Rwanda à l'indépendance deviendra inévitable. La multiplication des conflits sanglants à partir de 1962, la référence systématique à l'ethnicité comme mode de gestion du pouvoir ou comme modalité d'analyse des sociétés burundaise et rwandaise, la succession de « petits génocides » ont imposé l'appartenance ethnique comme le seul et unique critère pertinent d'identification et d'action politique. Pire, la succession de massacres « ethniques » a imposé cette lecture des enjeux sociaux dans les deux pays au point d'en faire un élément de mobilisation et surtout de réaction fondamental y compris au sein de la population. Les modérés, c'est-à-dire ici tous ceux qui tentent de transcender cette vision dichotomique issue de la logique unique de monopolisation du pouvoir, sont alors les victimes prioritaires des groupes racistes des deux tendances qui mènent ces stratégies politiques systématiques d'exclusion.

Génocide au Rwanda - crédits : Scott Peterson/ Liaison/ Getty Images

Génocide au Rwanda

Au Rwanda, en 1957, un groupe d'anciens séminaristes rwandais hutu publiait le Manifeste des Bahutu exigeant le partage du pouvoir avec les Tutsi. Confrontés à l'intransigeance des dirigeants tutsi, ils fondèrent en 1959 le Parti du mouvement de l'émancipation hutu (Parmehutu) qui n'aura de cesse de prendre sa revanche sur la domination tutsi. L'accession, en 1961, de ce parti au pouvoir marque le début d'un pouvoir[...]

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Écrit par

  • : professeur de science politique à l'Institut d'études politiques de Bordeaux

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Média

Génocide au Rwanda - crédits : Scott Peterson/ Liaison/ Getty Images

Génocide au Rwanda

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