RIGAUD HYACINTHE (1659-1743)
L'œuvre de Hyacinthe Rigaud est considérée comme la galerie des portraits du Grand Siècle, bien que l'artiste n'ait commencé sa carrière de portraitiste à Paris que tard dans le règne de Louis XIV (1681). Ce Catalan s'est d'abord formé dans la France du Sud. Bien qu'ayant remporté le premier prix de peinture, il renonce au voyage romain et suit les conseils de Le Brun : il sera peintre de portraits. Vite connu des milieux d'artistes et de bourgeois parisiens, il laisse des toiles qui sont proches des créations contemporaines de François de Troy. Un grand portrait d'archevêque le fait remarquer en 1685 des hauts personnages de la Cour. Et bientôt le frère du roi et toute l'aristocratie lui passent commande. En 1700, il est reçu académicien et exécute, l'année suivante, sa composition la plus célèbre, le portrait en pied de Louis XIV en costume du sacre (musée du Louvre). Le succès est total, car l'œuvre correspond parfaitement à l'image solennelle du vieux roi installé à Versailles. L'exaltation de la majesté royale (soigneusement préparée des années plus tôt par tout un programme mythologique) atteint sa plénitude, d'où l'allure souveraine, grave et hiératique. Désormais, les commandes vont affluer et il faut solliciter le peintre pour avoir un tableau, qui sera très largement payé. Depuis longtemps un seul peintre n'y suffisait pas ; aussi a-t-il fallu créer un atelier bien organisé dont le Livre de raison tenu par l'artiste, nous révèle le fonctionnement. L'« entrepreneur de portraits » a su trouver les collaborateurs, spécialistes de beaux morceaux (véritables tableaux dans le tableau) : Monnoyer pour les fleurs, Desportes pour les paysages, Parrocel pour les vues de batailles... et c'est le maître qui achève le visage. À partir d'un original (qu'il soit peint par plusieurs mains ou non), les copistes ont souvent à exécuter de nombreuses répliques, retouchées, qui se vendent à la famille et aux amis des modèles. Cela explique le très grand nombre de toiles attribuées à Rigaud. On voit que ces œuvres ne sont pas de simples images d'une physionomie. L'époque veut autre chose, il lui faut toute une mise en scène luxueuse : décor solennel de velours écarlates drapés sur des colonnes, riches costumes, perruques imposantes, fleurs et précieux accessoires mobiliers. La pose se réduit à une attitude figée et un peu spectaculaire, trop souvent répétée. Au cœur de l'édifice pictural, Rigaud a placé la tête du modèle, à l'expression immobile ; mais les traits sont rendus avec soin et le réalisme est parfois nuancé d'une teinte de psychologie (ce que nous confirment les autoportraits ou l'étonnante image double du visage de la mère de l'artiste). Mais Rigaud ne peut pas résister aux effets de la matière brillante, à tout ce qui peut faire rebondir le regard. Une œuvre tardive représente le parlementaire Gaspard de Gueidan jouant de la musette (1735, musée d'Aix-en-Provence) ; en dépit du sujet « champêtre », l'allure demeure noble et le chatoyant coloris nous prouve (Rigaud ayant peint seul pour une fois) ses dons de peintre.
Bibliographie
A. James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud, catalogue raisonné, Faton, Paris, 2013.
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
Classification
Médias