HYDROCARBURES
Importance et enjeux
La plus ancienne utilisation d'hydrocarbures connue fut vraisemblablement à partir d'affleurements de bitume : en Judée (Palestine), en Égypte, au Pakistan... Dans cette dernière région, le site de Mehrgarh révéla aux archéologues durant les années 1970 des paniers, étanchéifiés par du bitume. Ces récipients ainsi imperméabilisés précédèrent les poteries. Datant de la même période néolithique (8 000 ans environ), le même site fournit des armatures de faucilles, sous la forme de microlithes, fixés par du bitume dans la rainure d'un support en bois. En Égypte, la momification usait de bandelettes ensuite badigeonnées de naphte, qu'Hérodote qualifie de « gomme ». Le calfatage des couffes, embarcations en roseaux des Babyloniens, était lui aussi dû à du bitume. Les gisements d'hydrocarbures furent donc fonctionnels, non pas plusieurs siècles mais plusieurs millénaires durant. L'historien grec Diodore mentionne un bitume, exploité déjà il y a plus de deux mille ans aux bords de la mer Morte.
Laissons là l'Antiquité pour en venir à une actualité préoccupante. La fin des hydrocarbures fossiles est-elle en vue ? Entrons-nous dans l'ère postcarbone, selon un néologisme récent ? À nous fier à des estimations crédibles, le pic de la production pétrolière, à hauteur d'environ 100 millions de barils de brut par jour, serait atteint entre 2010 et 2020. Le pic de production gazière serait plus tardif d'une vingtaine d'années. Lors de L'élaboration de cet article, le baril de pétrole brut atteignit 100 dollars, et l'on ne peut que s'en féliciter : par les économies de carburant que cela imposera ; par l'exploitation des schistes bitumineux de l'Alberta ainsi rendue rentable ; par le recours à d'autres sources d'énergie (solaire, éolienne, géothermique, marémotrice...).
Du point de vue quantitatif, nous gaspillons des quantités considérables d'hydrocarbures sans même les utiliser pour nous chauffer, pour nous transporter ou pour alimenter des usines en énergie. En 2006, la quantité de gaz naturel brûlée dans des torchères aurait suffi à fournir le quart de la consommation américaine ! En équivalent-dollar, elle a une valeur potentielle de 40 milliards. En effet, des producteurs de pétrole se débarrassent du gaz naturel associé au gisement exploité, ce qui les dispense de le liquéfier ou de le réinjecter, tout simplement en le brûlant. Cette pratique lamentable a cours surtout en Russie (50,7 milliards de mètres cubes), au Nigeria (23) et en Irak (8,1). Elle ne détruit pas seulement du gaz naturel, elle contribue au réchauffement global en injectant du gaz carbonique dans l'atmosphère, entre 150 et 170 milliards de tonnes par an, entre 1995 et 2005.
Mais y a-t-il encore des réserves d'hydrocarbures susceptibles d'être exploitées, et cela dans le long terme ? Le réchauffement global est en passe de faire fondre la banquise en Arctique. Cette circonstance éveille déjà des convoitises, à preuve la mission d'un sous-marin russe déposant un drapeau de son pays au fond de l'océan, près du pôle Nord. La perspective d'exploiter des réserves pétrolières jusque-là inaccessibles dans cette région pourrait être une donnée géopolitique forte dans les années à venir.
Les gisements d'hydrocarbures comportent une forme encore inexploitée, mais qui pourrait le devenir, les hydrates (ou clathrates) de méthane. Chaque molécule de méthane s'y trouve emprisonnée dans une cage faite de molécules d'eau, 5,75 en moyenne. Ces assemblages sont stables jusqu'à 18 0C. Les dépôts naturels d'hydrates de méthane s'observent dans la lithosphère superficielle, à des profondeurs inférieures à 2 000 mètres : dans des roches sédimentaires où la température ne dépasse pas 0 [...]
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Écrit par
- Pierre LASZLO : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)
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