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HYKSÔS

Continuité de la civilisation égyptienne

Les Égyptiens, de la XVIIIe dynastie jusqu'à Manéthon, s'accordent pour faire de l'époque hyksôs une période d'abomination. Les faits ne justifient guère ce jugement. Les Hyksôs, en effet, respectèrent la civilisation égyptienne et, en fait, l'adoptèrent. On ne voit plus dans leur pénétration en Égypte une invasion militaire conduite par des troupes bien organisées et supérieurement armées, devant lesquelles se serait effondrée l'armée égyptienne dépourvue du char et du cheval, et ne disposant que de dagues de cuivre en face de l'armement de bronze de ses ennemis. De même, on ne croit plus aux « forteresses » hyksôs du Delta et du Proche-Orient. Ce n'est qu'à la fin de leur occupation de l'Égypte que les Hyksôs introduisirent dans la vallée du Nil le char de guerre, de nouveaux types de dagues et d'épées, le bronze et le redoutable arc « composé », d'origine asiatique. Semblables innovations leur servirent à essayer, d'ailleurs en vain, de maintenir leur pouvoir contre l'agitation croissante de leurs sujets égyptiens.

En fait, l'occupation hyksôs paraît s'être appuyée sur le consentement d'une partie importante de la population autochtone. Les nombreuses tombes d'époque hyksôs fouillées en Égypte ne donnent pas l'impression d'une intrusion massive d'étrangers ; il n'y a pas de changement brutal dans les coutumes funéraires, et les cadavres qui pourraient appartenir à des races étrangères sont peu nombreux. La céramique de Tell-el-Yahoudiyeh, que l'on a longtemps crue associée à l'invasion hyksôs, apparaît en Égypte bien avant celle-ci ; c'est une poterie d'importation qui ne doit rien aux envahisseurs.

En résumé, la présence hyksôs a consisté davantage en une mainmise sur l'appareil politique de l'Égypte plutôt qu'en une éviction des Égyptiens d'origine. Beaucoup de ces derniers ont dû, non seulement tolérer, mais servir le gouvernement des rois hyksôs.

Installés en Égypte, les Hyksôs empruntèrent beaucoup à leurs hôtes. Leurs souverains utilisèrent l'écriture hiéroglyphique, ils adoptèrent les dieux égyptiens. S'ils eurent une préférence pour Seth, qu'ils assimilèrent à Baal ou à Reshep, cela ne les empêcha pas d'adorer le dieu Rê. Khyan se déclare « Fils de Rê », mais Apophis va plus loin encore en se disant « Fils charnel de Rê », s'identifiant ainsi à un pharaon de droit divin. En réalité, les Hyksôs, loin d'être les barbares décrits par les sources égyptiennes, avaient une longue tradition de vie urbaine derrière eux. Ils entreprirent la construction d'édifices et de temples. Les statues, stèles et autres œuvres d'art de leur époque, sans avoir la beauté des chefs-d'œuvre du Moyen Empire, sont loin d'être négligeables du point de vue artistique. C'est à la période hyksôs qu'on doit quelques-unes des meilleures copies d'œuvres littéraires ou scientifiques égyptiennes. Tout se passe donc comme si les rois hyksôs avaient, en fait, encouragé la vie intellectuelle de l'Égypte.

La présence hyksôs ne fut pas sans avantages pour l'Égypte. Grâce à elle s'établirent de nombreux liens de sang, de culture, de philosophie même, entre la vallée du Nil et le Proche-Orient asiatique, liens qui ne furent pas rompus, bien au contraire, par les pharaons du Nouvel Empire. Elle s'accompagna également d'innovations plus matérielles : si les Hyksôs n'apportèrent pas le cheval, connu en Égypte avant leur venue, ils en répandirent l'utilisation, de même que celle du bronze. Ainsi, ils procurèrent à l'Égypte les moyens de conquérir ce qui sera l'empire égyptien au Nouvel Empire.

Après environ un siècle et demi[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de l'université de Lille

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