HYPOTHÈSE (sciences)
Dans son Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (1865), Claude Bernard expose le rôle des hypothèses au sein du raisonnement expérimental, et c'est à cette occasion qu'il en propose la définition. L'expérience est une observation provoquée dans un but de contrôle. Instituer une expérience consiste à modifier le déroulement d'un phénomène naturel, à provoquer artificiellement des phénomènes pour les analyser. Expérimenter, c'est poser une question, or « on ne conçoit jamais une question sans l'idée qui sollicite la réponse. Je considère donc, en principe absolu, que l'expérience doit être instituée en vue d'une idée préconçue... » L'hypothèse est cette idée préconçue. Cette définition est imprécise, comme Claude Bernard ne l'ignorait pas, et il faut s'en féliciter. Une telle désignation a le mérite de ne pas masquer sous une précision prématurée les problèmes que pose l'usage de cette notion. Ceux-ci tiennent au statut épistémologique de l'hypothèse, à la position qu'elle occupe au sein d'une construction théorique, au degré d'explicitation qu'elle présente et aux rectifications dont elle fait l'objet au cours de l'expérimentation.
Statut d'une hypothèse
Le statut de l'hypothèse varie selon les principes épistémologiques retenus. Il existe au moins deux grandes manières de concevoir les hypothèses. Une hypothèse peut être une simple généralisation, celle par laquelle on suppose que ce qui a fait l'objet de nombreuses observations concordantes a valeur de loi de la nature. L'hypothèse est alors un condensé des faits, et l'élargissement des connaissances qu'apporte une expérience nouvelle s'inscrit dans le processus inductif de production des connaissances à partir des observations. Mais il n'en est pas de même si l'hypothèse est créatrice, si elle consiste à considérer que des entités théoriques – électrons, champs magnétiques, neutrinos, trous noirs, inconscient, milieu intérieur, sélection naturelle, etc. – qui ne sont pas directement observables à un moment donné, sont de nature à constituer une explication plausible de certains faits. La démarche expérimentale consiste alors à déduire les conséquences de cette supposition, qui ont valeur de prédiction. Un test permet de confirmer ou d'infirmer la prédiction. On peut alors affirmer que l'hypothèse elle-même est confirmée ou infirmée, ou plutôt confortée ou affaiblie. La position occupée par l'hypothèse au sein d'un édifice théorique est fort variable.
En mathématiques, elle désigne les propositions que l'on se donne, que l'on avance en vue d'en déduire les conséquences.
Au sein d'une théorie physique, la position d'une hypothèse est étroitement liée à son degré de généralité.
Une hypothèse doit passer le cap de la vérification expérimentale, qui n'intervient pas d'emblée. Pour être retenue, elle doit être cohérente, vraisemblable, plausible et, le plus souvent, en accord avec les connaissances admises. Par ailleurs, la vérification expérimentale ne constitue jamais un verdict incontestable et sa portée s'exprime différemment selon les principes méthodologiques retenus. Les uns diront qu'une hypothèse est confirmée ou infirmée, d'autres qu'elle est vérifiée ou falsifiée, d'autres qu'elle est corroborée ou affaiblie, etc. Cependant, il semble aller de soi que la vérification ne s'effectue pas de la même manière selon le degré de généralité de l'hypothèse. Une hypothèse particulière, relative par exemple à la résistance de l'air, peut donner lieu à une vérification directe. Ayant constaté que la résistance rencontrée par certains mobiles est proportionnelle au carré de leur vitesse, on peut faire l'hypothèse qu'il en sera de même pour d'autres mobiles. On vérifie[...]
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Écrit par
- Jean-Paul THOMAS : philosophe, professeur des Universités
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