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TERRE BOULE DE NEIGE HYPOTHÈSE DE LA

De l’hypothèse à la théorie de la Terre « boule de neige »

L’hypothèse de Kirschvink formulée en deux pages dans un ouvrage de plus de mille n’eut guère d’écho au sein d’une communauté scientifique très dubitative. Les observations s’accumulent, mais ne prennent vraiment sens que lorsque Paul Hoffman,en 1998, en fait la synthèse et retient parmi les scénarios possibles celui qui, à son avis, explique le mieux l’ensemble des observations géologiques, géophysiques et géochimiques : le scénario d’une Terre « boule de neige » néoprotérozoïque. Jusque-là, les données dispersées n’étaient en effet pas suffisamment convaincantes ; les résultats paléomagnétiques et les modèles climatiques ne semblaient pas toujours pertinents. En 1998, Hoffman confirme les données de Kirschvink et mentionne l’étude du géologue canadien Grant Young. Elle porte sur la série des dépôts néoprotérozoïques dans des bassins intracontinentaux formés au niveau d’un rift en position équatoriale, c’est-à-dire lors de la dislocation d’un continent au Néoprotérozoïque. Young met en évidence deux niveaux nettement séparés de dépôts glaciaires traduisant la présence de glace à l’équateur. Ainsi, la dislocation au Néoprotérozoïque d’un supercontinent, Rodinia, aurait été accompagnée d’au moins deux épisodes glaciaires de très grande étendue. Pour Hoffman, les basaltes émis au niveau des rifts équatoriaux et les reliefs formés au cours de la dislocation du supercontinent subissent une altération intense en milieu tropical. La baisse de CO2 qui en découle aurait amorcé les glaciations.

Une série d’observations lithologiques viennent compléter le scénario et valider le deuxième test proposé par Kirschvink : l’évidence d’un effet de serre postglaciaire marqué. La plupart des dépôts glaciaires néoprotérozoïques sont recouverts d’une couche de roches carbonatées ou capcarbonates, dépôts formés dans des eaux peu profondes et chaudes. La succession sans transition d’un dépôt glaciaire et d’un dépôt tropical indique un changement climatique brutal qui serait dû à un effet de serre extrême après la déglaciation (une température de 50 0C a été proposée). L’importante altération des terres découvertes et la concentration du CO2 atmosphérique très élevée (de l’ordre de 120 000 ppm alors qu’il est de l’ordre de 350 ppm à l’époque de Kirschvink et d’un peu plus de 400 ppm de nos jours) favoriseraient la précipitation de carbonates. Ainsi ont été trouvées des caractéristiques lithologiques résultant, à l’échelle globale, des fluctuations climatiques liées à la glaciation généralisée et à un effet de serre extrême après la déglaciation.

L’hypothèse de la Terre « boule de neige » proposée par Kirschvink et dont Hoffman développe la théorie comporte un point fort et un point faible. Le point fort repose sur un scénario de glaciation et de déglaciation plausible, ce qui suppose des océans totalement couverts de glace pendant 4 à 30 millions d’années et bouscule les idées reçues… Son point faible est de ne pas expliquer la survie d’organismes au cours de la glaciation ; le modèle snowballn’explique pas, par exemple, comment les cellules photosynthétiques ont pu survivre car, en l’absence de cycle hydrologique, les continents auraient été dépourvus d’eau liquide et la banquise aurait été trop épaisse pour laisser passer la lumière. Aussi, d’autres modèles furent proposés pour rendre possible l’existence d’eau liquide.

<em>Dropstone</em> glaciaire d’âge précambrien - crédits : P.F. Hoffman photo

Dropstone glaciaire d’âge précambrien

L’hypothèse que Williams expose dès 1972 est fondée sur l’observation, dans la formation d’Elatina en Australie, d’une succession de lits très fins, a priori des dépôts saisonniers, ce qui suppose un cycle hydrologique vigoureux avec une forte saisonnalité, incompatible avec une Terre gelée. Williams propose alors une obliquité de[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'université, historienne des sciences, chercheuse associée au Centre François Viète, université de Nantes

Classification

Médias

Première preuve de glaciation précambrienne - crédits : Hans Reusch/ coll. P. Hoffman

Première preuve de glaciation précambrienne

Les périodes de Terre «&nbsp;boule de neige&nbsp;» dans l’échelle stratigraphique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Les périodes de Terre « boule de neige » dans l’échelle stratigraphique

Les deux principaux puits de&nbsp;CO2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Les deux principaux puits de CO2

Autres références

  • PROTÉROZOÏQUE

    • Écrit par et
    • 3 808 mots
    • 1 média
    ...de l'équateur. Il semble que si des glaciers atteignent une certaine latitude ils présentent alors une expansion rapide et très large. C'est ainsi que Kirschvinck (1992) a proposé l'hypothèse d'une Terre alors « boule de neige » entièrement gelée, idée encore très controversée. Cette ...