- 1. Le point de départ : moraines et roches striées, critères d’une glaciation
- 2. Glaciation locale ou générale au Précambrien tardif ?
- 3. L’hypothèse de la Terre « boule de neige » ou Snowball Earth
- 4. Hypothèse de glaciation-déglaciation testable
- 5. De l’hypothèse à la théorie de la Terre « boule de neige »
- 6. Le temps des modèles climatiques performants
- 7. Les grandes lignes d’un scénario pour le Cryogénien
- 8. Bibliographie
TERRE BOULE DE NEIGE HYPOTHÈSE DE LA
Les grandes lignes d’un scénario pour le Cryogénien
Comme le reconnaît Hoffman lui-même dans sa synthèse de 2017, la théorie développée en 1998 et les années suivantes n’était pas suffisamment étoffée et ne permettait pas de faire de prédiction. Mais les choses ont changé. En 2017, l’équipe de vingt-sept chercheurs qu’il coordonne propose un faisceau d’arguments forts fondés sur des modèles et des résultats géologiques, radiochronologiques et géochimiques issus du développement de techniques ultrasophistiquées. Les résultats rassemblés permettent de proposer un scénario cohérent pour les deux événements Terre « boule de neige » qui débutent au Cryogénien, il y a 720 Ma.
Le déclenchement de la glaciation
Les paléocontinents étaient en position essentiellement tropicale. La dislocation du supercontinent Rodinia, déjà commencée depuis environ 100 Ma, fut accompagnée par la mise en place de plusieurs grandes provinces ignées. Ces événements majeurs produisirent une grande quantité de basalte, roche très facilement altérable. La dislocation de Rodinia eut deux impacts. Le premier fut la modification du cycle hydrologique – les zones centrales perdant leur caractère désertique sont soumises à l’altération. Le second fut la création de zones océaniques peu profondes et chaudes favorables à la photosynthèse. Les deux puits de CO2 tournant à plein régime, il en résulta une baisse importante du CO2 atmosphérique et de la température, rapprochant la banquise de la latitude critique. C’est dans ce contexte d’une Terre déjà froide que se mit en place, à l’équateur, la Franklin LIP sur une marge de Rodinia exposée aux vents, position favorable à une altération chimique intense. Les émissions volcaniques qui auraient traversé des évaporites sulfatées produisirent de nombreux aérosols soufrés augmentant l’albédo. La mise en place de la Franklin LIP serait l’événement déclencheur de la glaciation sturtienne, il y a 717 Ma. D’après certains modèles, l’englacement jusqu’à l’équateur aurait été géologiquement instantané – quelque cent cinquante ans à peine.
La Terre « boule de neige »
Déserts équatoriaux et ceintures de neige subtropicales sur les continents, avec une forte saisonnalité à toutes les latitudes, océans entièrement couverts de glace, circulations atmosphériques vigoureuses, tel aurait été le paysage lors de la glaciation.
Les poussières soulevées par les vents violents à la surface des déserts et les cendres volcaniques entraînées par la banquise s’accumulèrent en zone de sublimation équatoriale où elles formèrent des trous de cryoconites. Par analogie avec les écosystèmes des cryoconites actuelles, on peut supposer une présence d’écosystèmes fondés sur les cyanobactéries tout au long de la glaciation, cyanobactéries qui ont pu survivre aussi sur les terres continentales dénudées.
L’activité des deux puits de CO2 – altération des silicates et photosynthèse – s’arrêta avec la glaciation complète. La dislocation de Rodinia se poursuivit. Le CO2 produit par les éruptions volcaniques s’accumula dans l’atmosphère pendant les millions d’années que dura la glaciation.
La déglaciation
L’effet de serre augmentant, il compensa celui de l’albédo de la glace. Le seuil de CO2 pour la déglaciation fut alors atteint. Les glaces fondirent entièrement en quelques milliers d’années et le niveau des océans augmenta avec une grande transgression marine, caractérisée par les cap carbonates. Le taux de CO2 étant très élevé, l’effet de serre extrême conduisit à une température moyenne de l’ordre de 50 0C. Le dépôt des cap carbonates et la reprise de l’altération des silicates comme de la photosynthèse abaissèrent ensuite progressivement le niveau de CO2.
Enfin, les changements climatiques brutaux durent exercer une pression sélective extrême sur[...]
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Écrit par
- Françoise DREYER : agrégée de l'université, historienne des sciences, chercheuse associée au Centre François Viète, université de Nantes
Classification
Médias
Autres références
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PROTÉROZOÏQUE
- Écrit par Janine BERTRAND-SARFATI et Renaud CABY
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- 1 média
...de l'équateur. Il semble que si des glaciers atteignent une certaine latitude ils présentent alors une expansion rapide et très large. C'est ainsi que Kirschvinck (1992) a proposé l'hypothèse d'une Terre alors « boule de neige » entièrement gelée, idée encore très controversée. Cette ...