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HYSTÉRIE (histoire du concept)

Évolution des idées sur l'hystérie

De l'Antiquité au Moyen Âge

Conformément à l'étymologie du mot « hystérie » (du grec ὐστέρα, matrice), et jusqu'à la fin de l'Antiquité classique, l'hystérie fut considérée comme une maladie organique, utérine, mais affectant le corps entier. Sa nature sexuelle n'était pas mise en doute et, la continence étant incriminée, le traitement recommandait, à titre de prophylaxie, le mariage pour les jeunes filles, le remariage pour les veuves ; c'est l'origine d'une conception qui, de nos jours encore, conserve un large crédit populaire.

Le Moyen Âge fut l'époque des grandes épidémies, et sous l'influence des conceptions augustiniennes liant plaisir sexuel et péché, on vit dans les manifestations hystériques une intervention du Malin ; en 1484, la bulle d'Innocent VIII institutionnalisa la lutte contre les sorcières et, dix ans plus tard, parut le Malleus maleficarum, manuel de détection des cas de sorcellerie, dont la diffusion, favorisée par la récente découverte de l'imprimerie, fut immense (trente éditions en deux cents ans). La chasse aux sorcières dura deux siècles et parmi ses milliers de victimes on ne saurait chiffrer le nombre d'hystériques qui montèrent au bûcher.

Déjà à cette époque, l'opinion médicale résistait à la conception démoniaque de l'hystérie. Au xviie siècle, Charles Lepois affirme que le siège de l'hystérie est uniquement le cerveau, et que la théorie utérine est absurde puisque la maladie peut s'observer dans les deux sexes. Parallèlement, on évoque le rôle des émotions à l'origine des troubles, Paracelse entrevoit le rôle de l'inconscient dans la pathogénie des névroses, Sydenham ébauche la première description de la personnalité hystérique.

Charcot, Babinski, Janet

Charcot - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Charcot

Tandis que s'affrontent dans les deux premiers tiers du xixe siècle tenants de l'organogenèse de l'hystérie (Griesinger) et partisans de sa psychogenèse (Pinel, Carter, Feuchtersleben), un autre courant de recherches et d'idées va se développer parallèlement, celui du magnétisme. Là aussi s'affrontent un courant organiciste (qui soutient la théorie fluidique de Mesmer et qui aura son plein épanouissement avec Charcot et l'école de la Salpêtrière) et un courant animiste, issu des travaux de l'abbé Faria, et qui fait de l'hypnose « un état psychologique particulier, produit exclusivement par la suggestion », opinion qui sera défendue avec véhémence par l'école de Nancy.

Charcot eut le mérite de redonner à l'hystérie sa dignité de maladie (une maladie comme les autres), d'en fournir des descriptions cliniques précises destinées à démontrer l'origine organique de l'affection par l'existence de stigmates spécifiques (il s'agirait d'une « lésion dynamique »). Sous-estimant le rôle de la suggestion et de l'imitation chez ses malades, abusé par certains de ses élèves, il fut finalement le personnage central de la plus extraordinaire « hystérie de culture » que l'on ait connue. Son œuvre en a reçu un discrédit injustifié.

Il revenait à J. Babinski son élève, de « dynamiter » l'œuvre du maître. Neurologiste génial, il réussit à délimiter rigoureusement le domaine de la neurologie lésionnelle de celui de l'hystérie, qu'il rapprocha de la suggestion hypnotique. Pour lui l'essence de l'hystérie, c'est l'autosuggestion ; les phénomènes hystériques sont l'effet du pithiatisme. « Ce qui caractérise les troubles, c'est qu'il est possible de les reproduire par suggestion avec une exactitude rigoureuse chez certains sujets, et de les faire disparaître sous l'influence exclusive de la persuasion. »

Dans une œuvre qui reste très vivante[...]

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Charcot - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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