FINLAY IAN HAMILTON (1925-2006)
L'artiste conceptuel britannique Ian Hamilton Finlay, né à Nassau (Bahamas) le 28 octobre 1925, présente une œuvre aux aspects multiples, dont plusieurs sont réunis sous l'apparence singulière d'un jardin : Little Sparta, son lieu de vie, à Stonypath, dans les Pentland Hills au sud de l'Écosse, non loin d'Édimbourg. Au croisement de l'avant-garde littéraire et d'un néo-classicisme ambigu, attaché à l'Écosse et à la ruralité et reconnu par les grandes institutions artistiques occidentales, Finlay a élaboré un imaginaire fait de statues, de monuments, d'interventions dans des parcs et jardins, mais aussi de textes, d'images, de positions esthétiques, philosophiques et politiques paradoxales. « NeoClassicism needs you ! » lit-on sur une affiche éditée en 1983 par les Wild Hawthorn Press (la maison d'édition que fonda Finlay en 1961, en écho à l’« America needs you » que lançaient les recruteurs des années de guerre aux États-Unis). Le mot, la phrase courte, le slogan, toutes sortes d'inscriptions et de proclamations, traversent l'œuvre de celui qui eut, jeune, la double tentation de la peinture et de la littérature. Poète, il est proche de la poésie dite concrète et objectiviste, qui se développa au Black Mountain College avec Charles Olson ou Robert Creeley – une poésie qu'il contribue à diffuser avec la revue POTH. Et s'il écrit des fictions courtes (publiées dans la presse, à la radio, ou avec le recueil The Sea-Bed and Other Stories, 1958), c'est le vers épigraphique qui devient sa forme privilégiée, tour à tour joueuse (avec le recours à l'anagramme par exemple), élégiaque ou déclaratoire. Qu'elle emprunte à l'antique, à la formule militaire, à la sentence philosophique, la phrase circule alors du papier à la pierre pour construire un monde aux sources contrastées. De la pastorale ovidienne à la maxime philosophique, elle révèle un univers symbolique et métaphorique volontiers citationnel, traversé par un héroïsme guerrier tantôt ironique (telle bataille avec le shérif local, qui s'opposa au libre destin du domaine poétique et sculptural) tantôt historique (la Seconde Guerre mondiale que vécut l'artiste comme soldat ou la Révolution française). L'érudition historique est ainsi souvent mise à l'épreuve de la réalité quotidienne et de l'effet provocateur de l'anachronisme ; les références superposent biographie et culture philosophique, en particulier celle du xviiie siècle français. D'où aussi un panthéon improbable qui comprend Apollon, Saint-Just, Jean-Jacques Rousseau... Mais d'autres univers imprègnent le paysage singulier de l'artiste, de celui des marins pêcheurs écossais à celui du IIIe Reich dont certains signes sont explicitement repris par l'artiste, qui a également entretenu un échange épistolaire avec Albert Speer, l'architecte nazi. D'où la réaction provoquée en France en 1987, qui aboutit à l'annulation de la commande d'un projet de jardin pour Versailles pour la célébration de la Déclaration des droits de l'homme, et cela bien que Finlay soit sorti vainqueur d'une action en diffamation contre la revue Art Press, qui avait mené l'affaire.
La suspicion de complaisance vis-à-vis du nazisme ne prend guère en compte le fonctionnement de cette œuvre dont l'esprit de rituel emprunte des costumes souvent dépareillés, retournés voire détournés au sein d'un projet qui doit être considéré comme un tout. Dès lors, fascination guerrière et bucolisme, goût de la ruine et du monument, sens de l'épigraphe et de la rhétorique classique – visuelle et discursive –, propension à la nostalgie néo-classique mais aussi au romantisme et au modernisme, tout cela imprègne la production artistique de Finlay, en[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Christophe DOMINO : critique d'art
Classification
Autres références
-
JARDINS - De la révolution industrielle à nos jours
- Écrit par Hervé BRUNON et Monique MOSSER
- 5 661 mots
- 3 médias
...air, une « œuvre ouverte » poursuivie avec le temps, où ils souhaitent donner forme à une vision du monde. De 1966 jusqu'à sa mort en 2006, l'Écossais Ian Hamilton Finlay a transformé un terrain marécageux des Pentland Hills en un poème philosophique en trois dimensions, baptisé Little Sparta, dont de...