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XENAKIS IANNIS (1922-2001)

Il est toujours difficile de juger de l'évolution d'un art lorsque manque l'indispensable recul que le temps peut seul nous accorder. Ainsi est-il téméraire d'attribuer une valeur privilégiée à telle des tendances de la musique actuelle lorsqu'il en existe de si nombreuses et de si différentes. Cependant, lorsqu'une expression sonore trouve le chemin d'une certaine célébrité fondée sur l'émotion qu'elle provoque chez un très large public et que, de plus, elle s'appuie sur des bases théoriques particulièrement solides, il est légitime de conjecturer que l'on se trouve en présence d'une œuvre musicale importante. Ainsi en est-il de celle de Iannis Xenakis. Par œuvre importante, il convient d'entendre non seulement celle qui, en tant que telle, soulève un intérêt immédiat, mais aussi celle qui, à travers l'influence qu'elle exerce sur d'autres musiciens, est capable de susciter la création de nouvelles œuvres. Or, parmi les très nombreuses manifestations de la musique actuelle, on en rencontre fréquemment dont l'existence serait sans doute problématique si leurs auteurs n'avaient subi l'influence de Xenakis. Cette influence, malheureusement, n'est souvent que superficielle, trop d'idées, trop de théories s'affrontant dans cette musique pour que les imitateurs puissent facilement y puiser autre chose qu'un aspect seulement extérieur.

Un citoyen du monde

Compositeur d'origine grecque, naturalisé français en 1965, Iannis Xenakis naît en Roumanie, à Brăila, le 29 mai 1922. Se vouant d'abord à une carrière d'ingénieur, il fréquente l'Institut polytechnique d'Athènes. En 1941, la Grèce étant envahie, il devient le secrétaire de l'organisation de résistance de l'institut. Il participe à la lutte armée pour la libération de son pays, et c'est alors que, trouvant comme ennemis, successivement, les Italiens, les Allemands et les Anglais, il s'aperçoit que la défense de la liberté doit se poursuivre partout et contre de multiples formes d'agression. On peut interpréter la démarche mentale de Xenakis comme la quête d'une liberté à la fois individuelle et collective. Mais la liberté qui, pour lui, possède le plus grand prix est la liberté morale et intellectuelle, et il lui faut la conquérir en luttant davantage avec lui-même que contre quiconque. La connaissance est l'une des sources de cette liberté. D'où la vaste culture qu'il parvient à acquérir : musicale (il s'intéresse aux musiques grecques et byzantines), technique, scientifique, et dans le domaine des arts plastiques. Lorsqu'il vient s'installer en France en 1947, comme réfugié politique (il est condamné à mort en Grèce), il rencontre Olivier Messiaen qui lui donne ce conseil qu'il déclarera plus tard avoir été déterminant pour lui en tant que musicien : « Restez naïf et libre. » Mais il rencontre aussi Le Corbusier, et ce dernier l'engage à travailler à ses côtés. Xenakis collabore alors à la construction du couvent de La Tourette et, surtout, à celle du pavillon Philips de l'Exposition universelle de Bruxelles en 1958. Pour ce pavillon, il a l'audace d'imaginer une forme alors totalement nouvelle en architecture : celle d'un paraboloïde hyperbolique. Il se consacre ensuite exclusivement à la musique, passe quelque temps au sein du Groupe de recherches musicales (G.R.M.) de l'O.R.T.F. dirigé par Pierre Schaeffer, rencontre Edgar Varèse, se lie d'amitié avec Hermann Scherchen et va passer plusieurs semaines en Suisse, à Gravesano, où Scherchen a installé un laboratoire de musique électro-acoustique. De 1967 à 1972, il se rend plusieurs mois par an à l'université d'Indiana, à Bloomington, pour y transmettre son enseignement.

En 1976, il obtient[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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