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XENAKIS IANNIS (1922-2001)

Un pythagoricien

En 1955, Xenakis s'était livré à une critique lucide de la musique sérielle. Selon lui, la démarche des disciples de l'école de Vienne ne pouvait pas aboutir à une véritable rénovation des matériaux sonores, n'apportait pas, en ce qui concerne la « forme », de solutions radicalement nouvelles, et, en un mot, était déjà la victime d'un inéluctable académisme. Il tente donc, et réussit, une synthèse entre le monde de la logique et celui de l'émotion artistique. Bien au-delà des sectateurs du « nombre d'or », qui ne voient que des relations arithmétiques primaires, il jette une passerelle entre l'image abstraite d'un modèle mathématique et l'application de ce modèle sur le monde sonore. En 1954, pendant qu'il travaillait à agencer les surfaces courbes du pavillon Philips, il eut l'idée que les lignes droites, dont le déplacement engendrait lesdites surfaces, pouvaient, si elles étaient projetées sur la surface plane du papier à musique, y figurer des glissandi de violons ou d'autres instruments. Ainsi naquit Metastasis, pour 60 musiciens, créé le 16 octobre 1955 au festival de Donaueschingen sous la direction de Hans Rosbaud. Pour obtenir les résultats sonores qu'il souhaite et qui sont toujours animés de la palpitation d'une multitude de hauteurs et de durées différentes formant des sortes de nuages acoustiques (Xenakis les compare à des galaxies sonores), il était normal qu'il eût recours au calcul des probabilités. Dans Pithoprakta (créé le 8 mars 1957 lors du festival Musica Viva de Munich sous la direction d’Hermann Scherchen), pour quarante-six instruments à cordes, deux trombones et percussions, chaque élément, chaque note, qu'elle soit jouée avec l'archet ou en pizzicato, est assimilée à une molécule extrêmement mobile, telle la molécule d'un gaz contenu à l'intérieur d'une enceinte à une température et sous une pression données. C'est l'application aux sons de la formule de Maxwell-Boltzmann. Mais, théoriquement, c'est à partir d'un nombre suffisamment grand d'événements désordonnés, imprévisibles, que le calcul des probabilités permet d'obtenir des sortes de certitude portant non sur les détails, mais sur l'ensemble. Introduire dans cette « certitude » statistique certaines perturbations qui l'animent est une méthode intéressante que Xenakis emploie notamment dans Achoripsis, pour 21 musiciens (créé le 20 juillet 1958 au Teatro Colón de Buenos Aires sous la direction de Scherchen) et dans la série des ST/4, ST/10 et ST/48 ; ces derniers, écrits respectivement pour quatre, dix et quarante-huit instruments, sont calculés à l'aide d'un ordinateur I.B.M. (7090). Un peu après Claude et Betty Shannon, il propose pour ces musiques l'expression « musique stochastique » (en ignorant que d'autres l'avaient fait dans un esprit d'ailleurs sensiblement différent). Avec Duel, pour 56 musiciens divisés en deux orchestres (1959) et Stratégie, pour 82 musiciens divisés en deux orchestres (1962), c'est à partir de procédés inspirés par la théorie des jeux de John von Neumann et Oskar Morgenstern qu'il oppose deux chefs d'orchestre dont chacun imagine sa « tactique » musicale en fonction de celle de l'autre. Sans oublier que tous ces éléments sonores constituant les blocs, les nuages, les « galaxies » sont aussi, d'un autre point de vue, des « ensembles » de notes, il introduit dans sa méthode de composition les méthodes de l'algèbre des ensembles et donne ainsi sa première œuvre pour piano seul, Herma (1961). Mais Xenakis n'oublie pas qu'il fut architecte, et l'espace le fascine. L'espace sonore, d'abord, dans Terretektorh, pour 88 musiciens éparpillés dans le public (créé[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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