IBÈRES
Le mot « ibère », communément utilisé aujourd'hui sous la forme de l'adjectif « ibérique » pour qualifier l'ensemble des terres situées au sud des Pyrénées, a une longue histoire. Les noms, grécisés, d'Ibèr et d'Ibèria dérivent probablement d'un mot indigène iber, qui désigne un fleuve ou tout fleuve et que l'on retrouve dans le nom de l'Èbre. Au vie siècle avant notre ère les navigateurs grecs appelaient Ibères les habitants d'une tribu dont la localisation restait imprécise sur le littoral oriental et méridional de la Péninsule. À la fin du ve siècle, Hérodore d'Héraclée fait état d'une tradition différente qui réunit l'ensemble des tribus de la Péninsule (les Kynètes, les Glètes, les Tartessiens, les Elbyniens, les Mastiènes, les Kelkianiens) dans une seule nation ibérique. Un changement décisif intervient à l'époque hellénistique quand le mot Ibérie perd son sens ethnique et désigne une région géographique : il devient alors synonyme d'Hispanie, et il est utilisé de cette façon par Polybe, Poseidonios, Artémidore et Strabon, qui connaissaient mieux les contours de la Péninsule. Nous pouvons aussi localiser, à partir du iiie siècle avant J.-C. les différents peuples ibères grâce aux historiens et aux géographes grecs et romains, qui évoquent les alliances de ces peuples avec les Romains et les Carthaginois qui s'affrontaient sur le sol de la Péninsule au cours de la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.) ; les mêmes sources nous informent sur le mode d'organisation politique des peuples ibériques, plus souvent monarchique qu'aristocratique.
L'histoire du monde ibérique se divise en trois périodes : l'Ibérique ancien, de 600 à 500-400, l'Ibérique moyen, de 500-450 à 300 et l'Ibérique récent, de 300 à 50.
Les Ibères : des textes à l'archéologie
Les chercheurs définissent aujourd'hui le monde ibérique comme une aire culturelle. Cette démarche, amorcée il y a un peu plus d'un siècle, prend surtout en compte les données archéologiques. Des traits communs sont relevés dans les artisanats du Sud et de l'Est ; après les découvertes (1860-1880) des sculptures du Cerro de los Santos (dans la province d'Albacete), puis, dans la province d'Alicante, d'un buste féminin appelé la Dame d'Elche, en 1897, grâce à une plus juste compréhension des légendes monétaires non latines, les archéologues se sont efforcés de définir une civilisation qui, avant la conquête romaine, avait son originalité propre tout en révélant des connotations méditerranéennes.
Pierre Paris, un helléniste français, fit acquérir par le Louvre, quelques jours après sa découverte en 1897, la Dame d'Elche ; il participa avec Léon Heuzey, conservateur du département des Antiquités orientales du musée, à la reconnaissance de l'identité ibère, comme d'autres savants avaient déjà commencé de le faire pour Chypre ou l'Étrurie. Mais le pas décisif est franchi par le préhistorien catalan Pere Bosch Gimpera qui, en 1915, à partir de l'identification d'une production de céramiques, cuites en milieu oxydant et décorées de bandes et de cercles, forge le concept moderne de « culture ibérique », à qui il donne une localisation géographique, du Guadiana à l'Hérault, et une chronologie, du vie au ier siècle avant J.-C. De cette phase de la recherche, il faut écarter, aujourd'hui, toute idée, pourtant avancée par Pere Bosch Gimpera et Adolf Schulten, un philologue allemand, d'une race ibère qui se serait étendue à partir d'un foyer initial situé entre le Guadiana et le rio Tinto vers l'est et vers le nord jusqu'au Languedoc.
Plusieurs séries d'objets caractérisent le monde ibérique, sans toutefois recouvrir l'ensemble de cet espace[...]
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Écrit par
- Pierre ROUILLARD : directeur de recherche au C.N.R.S.
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Média
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