IBÈRES

Six siècles d'histoire ibérique

L'Ibérique ancien (jusqu'au milieu du v^e siècle), la première des trois périodes qui forment la culture ibérique, est encore fortement imprégné par le phénomène orientalisant. En témoigne le monument sculpté en forme de tour de Pozo Moro (province d'Albacete), œuvre la plus accomplie de ce style, vers 500 avant J.-C. ; il est sans doute l'hérôon (tombeau commémoratif) du défunt – un roi ? – protégé par quatre lions, et les bas-reliefs évoquent une geste qui conduit pas à pas un personnage de la naissance à la mort. Un tel monument (unique à ce jour) est tout à la fois le symbole d'une société fortement hiérarchisée et le signe du basculement du centre culturel moteur vers l'est de la Péninsule. Dans le même temps, les productions céramiques s'uniformisent avec la mise en place de réseaux d'échange sur le littoral oriental, le fer s'impose, la culture de la vigne et celle de l'olivier, qui n'étaient pas inconnues, augmentent considérablement.

L'Ibérique moyen, entre 500-450 et 300, parfois appelé période classique, est l'apogée de la civilisation ibérique. Les échanges, que l'on peut mesurer en évaluant la diffusion des vases grecs, s'intensifient. Les sculpteurs produisent leurs œuvres les plus remarquables entre le sud du pays valencien et la haute Andalousie. Au v^e siècle, tout un bestiaire couronne les monuments funéraires en forme de pilier ou les tumulus à degrés : aux animaux imaginaires, sphinx, sirène, taureau androcéphale ou griffon s'ajoutent des animaux réels, cheval, avec ou sans cavalier, à partir du v^e siècle, loup au iv^e siècle ; mais le taureau et le lion auront la faveur des artistes ibères jusqu'à l'époque romaine. La figure humaine, surtout féminine, se généralise à partir du iii^e siècle, tant dans le domaine funéraire – ainsi la Dame de Baza (Grenade) –, que dans les sanctuaires comme celui du Cerro de los Santos (Montealegre del Castillo, Albacete) ; la Dame d'Elche (conservée au Musée archéologique national de Madrid à la suite d'un échange d'œuvres en 1941), elle-même, déesse ou femme idéalisée, réunit les traits caractéristiques de la sculpture ibère : la rigidité, la frontalité et le hiératisme.

Les ensembles sculptés du Cerrillo Blanco (Porcuna, Jaén) ont un caractère honorifique et mythique ; la force du prince qui a commandité ce monument et celle de sa dynastie sont soulignées dans une série de combats : tantôt l'homme affronte un monstre comme le griffon, tantôt deux groupes de guerriers combattent. À Huelma, également dans la province de Jaén, en un lieu qui pourrait être un sanctuaire de frontière, la force et les vertus de l'homme sont exaltées dans son combat contre un loup monstrueux. À partir du v^e siècle, on commence à mieux connaître les pratiques religieuses : dans les sanctuaires rupestres de Despeñaperros (province de Jaén) et Castellar de Santisteban en Andalousie étaient déposés par milliers des petits ex-voto en bronze ; plus à l'est, des offrandes sculptées dans la pierre (figures masculines, femmes debout faisant l'offrande d'un vase, femmes parées de bijoux assises sur un trône, qui sont sans doute des images d'offrante ou d'adorante) sont déposées au sanctuaire du Cerro de los Santos (Albacete). Tous ces lieux de cultes seront fréquentés au-delà de la conquête romaine, jusqu'au Haut-Empire.

Avec le iii^e siècle, s'ouvre la période assez troublée de l'Ibérique récent ; la Péninsule devient en effet un enjeu entre Carthage et Rome. Les Romains débarquent en 217 avant J.-C., les indigènes se révoltent à plusieurs reprises contre les tentatives d'implantation romaine (établissement de villes et conquête des terres), les prétendants au pouvoir de Rome (César[...]