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IBN AL-ATHĪR (1160-1233)

Frère de deux savants, spécialistes l'un (Madjd al-dīn Abū l-Sa‘adāt al-Mubārak) de science religieuse, l'autre (‘Izz al-dīn Abū l-Hasan ‘Alī) de philologie et qui ont joué un certain rôle politique au service, le premier, d'un prince zangide de Mosūl, l'autre d'un des Ayyūbides successeurs de Ṣalaḥ al-dīn, Dhiyā' al-dīn Abū l-Fatḥ Naṣr Allah, Ibn al-Athīr a été lui-même l'un des plus grands historiens du Moyen Âge musulman. Bien qu'il ait été un moment volontaire pour la guerre sainte contre la troisième croisade et qu'il ait plusieurs fois voyagé à Baghdād, il a dans l'ensemble passé toute sa vie à Mosūl ou dans sa province, son pays natal, au service de la dynastie des atābak zangides, dont il a écrit l'histoire, menant surtout une vie d'étude à l'écart des responsabilités politiques.

À côté de cet ouvrage d'histoire et de résumés de recueils biographiques pratiques pour les études religieuses, il est avant tout l'auteur du Kāmil (La Somme), histoire générale du monde musulman jusqu'à la veille de sa propre mort. L'ouvrage n'a peut-être pas toujours été estimé à sa propre valeur, mais il est incontestablement l'un des véritables chefs-d'œuvre de l'historiographie arabe. Par la clarté et la précision du style, par la logique des exposés, par l'art du choix des faits et de la synthèse et, malgré quelques exceptions, par une objectivité supérieure à celle de la plupart de ses émules, il est déjà exceptionnel. Mais il a réussi, en outre, à réunir sur toutes les parties du monde musulman une information essentielle, même pour des régions très éloignées du pays où il écrit, ce en quoi il n'a eu ni précurseur ni successeur. Il a su appliquer cet art de l'information à sa propre époque, interrogeant intelligemment voyageurs et marchands.

Pour les trois premiers siècles de l'hégire, sa source principale est l'œuvre de Tabarī, mais il fait de l'accumulation de récits de celui-ci une synthèse autrement pratique à consulter ; pour l'Occident musulman que Tabarī a ignoré, il s'est servi surtout d'Ibn Shaddād de Qairūan et de Fakhr al-dīn al-Razi pour l'Espagne. Pour la suite, il se sert avant tout des historiens de Baghdād dont le rayon d'information est spécialement large, tel Hilāl al-Ṣābi', mais aussi d'historiens syriens, iraniens écrivant en arabe, etc., dont les œuvres ne nous sont pas toujours parvenues directement. Le Kāmil a été abondamment utilisé par les historiens arabes postérieurs à Ibn al-Athīr, bien que, pour ceux d'entre eux qui tenaient à une forme d'exposé strictement annalistique, le caractère synthétique du Kāmil ait souvent fait préférer d'autres ouvrages, tel le Mir‘āt al-Zamān (Miroir du temps) de Sibt b. al-Djauzī, son cadet d'une génération. Le résumé historique trop fameux d'Abū' l-Fidā (début xive s.) n'est presque qu'un démarquage du Kāmil, prolongé par l'histoire ayyūbide du Syrien Ibn Wāsil.

— Claude CAHEN

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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