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IBN ‘ARABĪ (1165-1241)

Trois ouvrages représentatifs

Des difficultés majeures se présentent lorsqu'on veut exposer objectivement et avec certitude la doctrine d'Ibn ‘Arabī : tout d'abord, son œuvre n'a pu être publiée en entier ; d'autre part, ce qui est actuellement édité (à peine une quarantaine d'ouvrages) ne l'a pas été, à quelques exceptions près, d'une manière scientifique et ne permet pas de discerner nettement entre les écrits authentiques et les apocryphes ; enfin, Ibn ‘Arabī a lui-même expressément voulu disperser sa doctrine dans l'immense production de ses œuvres, s'abstenant volontairement d'employer la forme de l'exposé méthodique. C'est pourquoi l'on est tenu d'approcher la doctrine avec précaution et de s'en tenir à l'analyse de trois livres représentatifs : Al-Futūḥāt al-Makkiyya, Al-Tadjalliyat al-ilāhiyya et Fuṣūṣ al-ḥikam.

Le livre des conquêtes spirituelles de La Mekke

Il est hors de doute que le Kitāb al-futūḥāt al-Makkiyya soit une œuvre authentique du maître, car le texte autographe a été conservé. L'auteur avait commencé la rédaction de la première version à La Mekke, en 1203 ; après en avoir rassemblé les matériaux et tracé le plan, il mit trente ans à la réalisation du projet. L'ouvrage, dans sa conception primitive, se compose de cinq cent soixante chapitres, divisés en six grandes sections. La première, al-Ma‘ārif (les doctrines), a soixante chapitres ; la deuxième, al-Mu‘āmalāt (les pratiques spirituelles), en a cent seize ; la troisième, al-Aḥwāl (les états spirituels), quatre-vingts ; la quatrième, al-Manāzil (les demeures spirituelles), cent quatorze ; la cinquième, al-Munāzalāt (l'affrontement spirituel), soixante-dix-huit ; la sixième, al-Maqāmāt (les étapes spirituelles), quatre-vingt-dix-neuf.

Ces différentes parties sont organiquement agencées. Tout au début, Ibn ‘Arabī pose les fondements doctrinaux, essentiellement ésotériques, qu'il estime nécessaires au ṣūfi dans sa montée vers le Réel. Il part de la science des lettres (cabale) et termine par un exposé sur les secrets des rites religieux. Ce qui est surprenant dans cet exposé doctrinal, c'est que l'auteur n'y fait aucune place à la théologie, que ce soit sous sa forme de simple exposé de la profession de foi destinée au peuple ou sous sa forme théorique à l'usage des élites. Il semble que, pour le maître, cette discipline (‘ilm al-kalām) soit secondaire et qu'elle doive trouver sa vraie place dans une introduction aux doctrines. Ibn ‘Arabī ne consacre aucune section non plus à l'exposé de sa propre profession de foi. Cependant, après avoir traité de la triple profession de foi : celle du peuple, celle des théologiens (mutakallimūn) et celle des philosophes, il dit qu'il faut chercher la sienne dans les diverses références qu'il y fait au cours de son œuvre entière.

Après cette partie doctrinale, qui est en quelque sorte le versant théorique de son système et sa vision de l' Être, il en vient aux pratiques (mu‘āmalāt) que le pèlerin doit suivre pour son avancement spirituel et sa perfection personnelle. Puis il décrit les aḥwāl, c'est-à-dire les états par lesquels le ṣūfi doit passer, et les événements auxquels il doit faire face dans son ascension vers le Roi. Viennent ensuite les manāzil (les demeures spirituelles), qui sont les endroits où le Bien-Aimé a laissé les traces de sa présence sur cette terre d'exil et de souffrance. Le ṣūfi s'arrête à ces demeures pendant quelques instants fugaces et y trouve réconfort et consolation. Reprenant alors son ascension, le chevalier spirituel va vers l'affrontement (munāzalāt), le rendez-vous de l'âme avec son Époux, qui n'est autre que le grand combat que l'homme doit soutenir pour conquérir[...]

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Écrit par

  • : docteur de l'université Al-Azhar, Le Caire (alimiyya), docteur ès lettres, université de Paris-Sorbonne, maître de recherche au C.N.R.S.

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Autres références

  • AVICENNE, arabe IBN SĪNĀ (980-1037)

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    ...Avicenne le pur péripatétisme, mais l'œuvre de Sohrawardī, qui ressuscita la « philosophie orientale » de l'ancienne Perse, et l'influence de la théosophie d' Ibn ‘Arabī, très rapidement intégrée (ou réintégrée) à la gnose shī‘ite. L'œuvre d'Avicenne n'a cessé d'être enseignée et commentée en Iran jusqu'à nos...
  • ISLAM (La religion musulmane) - Les sciences religieuses traditionnelles

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    ...). Il est à noter que Marie, la mère de Jésus, est la seule femme qui ait droit dans le Coran (v, 75) au qualificatif de « juste » (ṣiddīqa). Ibn ‘Arabī, « le plus grand des maîtres » (mort en 1240), précise dans ses Futūḥāt (ii, p. 24) que « le ṣiddīq trouve, par une nécessité...