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IBN KHALDŪN (1332-1406)

Ibn H̲aldūn historien : la « Muqaddima »

Le plan de la Muqaddima (Les Prolégomènes) est le suivant :

Introduction : l'histoire comme science, définition de son objet ; exposé des principes de l'intelligibilité historique ; méthodologie de l'historiographie critique.

I. Sociologie générale de la civilisation : la science du ‘umrān, théorie de la sociabilité naturelle ; les déterminations du milieu et leurs incidences culturelles, géographie physique et humaine ; considérations psycho-sociologiques et ethnologiques : prophétisme, arts divinatoires.

II. Sociologie de la bédouinité (la bādiya) : éléments d'une ethnologie générale ; étude des deux types de groupement humain : de la bédouinité à la citadinité, exposé de psychologie comparée, mouvement dialectique d'une culture ; géopolitique : le concept de ‘aṣabiyya – cohésion et solidarité –, fondement d'une dynamique socio-politique.

III. Philosophie politique : établissement et exercice du pouvoir (mulk) et de l'autorité spirituelle (ẖilāfa) ; dynamique des dynasties, théorie des institutions.

IV. Sociologie de la citadinité (la ḥaḍāra) : le phénomène urbain ; organisation de la cité politique ; économie urbaine ; typologie du citadin ; dénouement de la ‘aṣabiyya.

V. Économie politique : l'industrie humaine ; travail, prix, spéculation ; classes sociales.

VI. Sociologie de la connaissance : classification des sciences (religieuses, rationnelles, linguistiques) ; langage et société, acquisition du langage, pédagogie ; disciplines philosophiques et littéraires.

Donnant à son investigation cette dimension qui élevait l'histoire au rang d'une science, Ibn H̲aldūn ne pouvait manquer de souligner avec force les exigences scientifiques de la connaissance historique. Il a présenté une critique sévère de ses prédécesseurs, dénonçant leurs erreurs, leur ignorance, leur partialité et surtout leur incapacité à soumettre les faits au jugement de la raison. Or l'histoire reste la science des faits : le premier devoir de l'historien est d'apprécier avec rigueur leur degré de crédibilité. Avant même de saisir les lois d'une évolution, il faut s'entourer de toutes les garanties nécessaires à l'établissement d'une vérité. Si l'analyse rationnelle ne saurait constituer le savoir, elle doit orienter puis contrôler la recherche.

Ibn H̲aldūn s'est-il plié lui-même à ces exigences ? Son Histoire universelle (Kitāb al-‘Ibar) a quelque peu été reléguée dans l'ombre par sa géniale introduction. On l'a critiquée durement et l'on a même jugé qu'elle contrevenait aux principes méthodologiques exposés dans la Muqaddima. L'auteur semble bien y adopter, en effet, la démarche dominante de l'historiographie arabe : récit événementiel respectant une chronologie parfois imprécise ou erronée, juxtaposition de versions différentes, absence de toute synthèse, analyse très élémentaire des causes et des comportements, etc.

Notons d'abord que le projet d'universalité ne doit pas être retenu pour essentiel ni tromper sur l'originalité de l'œuvre. C'est exclusivement dans la partie consacrée au Maghreb qu'Ibn H̲aldūn prétend innover, et il est alors d'une importance capitale. C'est, d'autre part, à partir du Maghreb qu'il appréhende la culture arabo-musulmane, et il n'est jamais plus à l'aise pour son investigation que dans ce lieu d'expérience privilégié. La priorité et l'autonomie de la Muqaddima ne peuvent être mises en doute ; mais les liens qui la rattachent à la partie maghrébine de l'œuvre ne sont pas moins évidents. Il apparaît qu'Inb H̲aldūn nous livre dans son histoire un matériau, une matière non exploitée à quoi il nous appartient d'appliquer l'analyse[...]

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