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IBN RUSTEH (IXe-Xe s.)

Encyclopédiste arabe, Ibn Rusteh composa, peu après 903, une encyclopédie dont la septième partie seulement nous a été conservée (Kitāb al-A‘laq al-nafīsa, éd. De Goeje, Leyde, 1892 ; trad. franç. G. Wiet, Les Atours précieux, Le Caire, 1955). Ce qui subsiste de cette œuvre a trait à la géographie. On y discerne quatre sources principales d'inspiration : la description de la Terre (dans la tradition de Ptolémée revue par Khuwārizmī), la géographie descriptive, les données de la tradition arabe et l'encyclopédisme de l'honnête homme.

Plus intéressantes sont les options mêmes choisies pour l'organisation du corpus de cette œuvre. D'abord, face à une tendance qui s'ébauche et tend à mettre l'accent, en premier lieu, sur le monde musulman, en reléguant les peuples étrangers dans la description générale du globe, Ibn Rusteh trace de plusieurs peuples un tableau particulier : il livre, sur les Khazars de la Volga, les Bulgares, les Russes, les Magyars, les Slaves, les populations du Caucase, de Byzance et de l'Inde une foule d'informations dont beaucoup ont grandement profité aux historiens de l'Europe de l'Est. Ibn Rusteh maintient donc, mais en précisant quelques détails, une certaine vision universaliste de la géographie.

Son goût pour la géographie astronomique et astrologique relève du même état d'esprit : assimilée avec une vigueur et une précision souvent remarquables, la tradition ptoléméenne met l'ensemble du globe sous les lois scientifiques d'une création repensée.

Pourtant, qu'on ne s'y trompe pas, l'œuvre d'Ibn Rusteh reste, avant tout, d'inspiration musulmane. Mais de quel islam s'agit-il ? À lire la description minutieuse des lieux saints d'Arabie, qui ouvre la description proprement dite des pays, on serait tenté de croire qu'il s'agit ici d'aller contre la tradition iranienne, laquelle, tout en affirmant sa fidélité à l'islam et à l'arabe, langue de la Révélation, conteste à l'Arabie, et bien entendu au profit des pays d'Iran et de Mésopotamie, son statut de centre du monde habité. En réalité, c'est bien de cette tradition iranienne qu'il s'agit dans l'œuvre d'Ibn Rusteh ; l'intervention du donné arabe serait, si l'on veut, signe et gage de loyauté, mais sous la réserve que soit sauvegardée la situation particulière et éminente de l'Iran : les pages que l'auteur consacre à Ispahan, sa patrie, parlent ici un langage tout à fait clair. Intelligente, vaste et conçue pour un public cultivé, à l'exclusion des spécialistes de tous ordres, l'œuvre d'Ibn Rusteh, par les susceptibilités qu'elle ménage, par les pondérations qu'elle établit, les défenses et illustrations auxquelles elle se livre, masque à peine des relents de polémique.

— André MIQUEL

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