ICÔNE
L'évolution de l'icône à Byzance et dans sa sphère d'influence
Il n'est guère possible de retracer l'histoire primitive de la peinture d'icône : les œuvres conservées sont peu nombreuses et aucune ne peut être précisément datée. La plupart de celles qui nous sont parvenues, peintes à l'encaustique et datant sans doute des vie-viiie siècles, se trouvent aujourd'hui au monastère de Sainte-Catherine, au mont Sinaï, et dans les églises de Rome, où elles ont souvent été dégagées de leurs repeints modernes (icônes de la Vierge de Sainte-Marie-Nouvelle et de Sainte-Marie du Transtévère). Parmi les icônes du Sinaï, publiées en 1976 par K. Weitzmann, se distinguent quelques pièces remarquables, probablement produites à Constantinople (le Christ en buste, la Vierge entre saint Théodore et saint Georges, Saint Pierre). D'autres œuvres peuvent être attribuées à la Palestine, à la Syrie ou à l'Égypte (Christ trônant en Ancien des Jours), mais, dans la plupart des cas, le lieu de fabrication est encore, tout comme la datation, l'objet de controverses.
Après l'interruption toute relative de l'iconoclasme, pendant lequel des icônes continuèrent à être fabriquées dans la clandestinité ou, librement, dans les régions passées sous la domination des Arabes (Égypte, Syrie, Palestine), la production connut, à l'époque de la dynastie macédonienne, un nouvel essor. Les œuvres conservées, encore très peu nombreuses avant le xie siècle, montrent que le style des icônes évolua parallèlement à celui de la peinture murale et des miniatures. Le classicisme de la « renaissance macédonienne » fit place, au cours du xie siècle, à un style plus sévère, visant à une représentation plus dématérialisée et plus spiritualisée des figures. Au xiie siècle, une tendance à l'humanisation des personnages sacrés se fait jour, dont témoigne, par exemple, la célèbre Vierge Eléousa de Vladimir, peinte à Constantinople vers 1130 et transportée ensuite en Russie (Galerie Tretiakov, Moscou). L'art raffiné et élégant de la seconde moitié du siècle est représenté par plusieurs icônes du mont Sinaï (Échelle céleste de Jean Climaque, Crucifixion, Annonciation). C'est aussi aux xie et xiie siècles que remontent les plus anciennes icônes en mosaïque (Vierge Hodigitria du Patriarcat grec à Istanbul, Saint Nicolas de Patmos, Vierge Hodigitria de Chilandari, etc.).
Les spécialistes se sont spécialement intéressés, ces dernières années, aux icônes du xiiie siècle, période complexe, marquée par la prise de Constantinople par les Latins, en 1204, et par le démantèlement de l'Empire aux mains des croisés. La situation historique explique les contacts plus étroits entre les cultures de l'Orient et de l'Occident, dont témoignent nombre d'icônes, pour la plupart récemment découvertes ou publiées. Le problème de la localisation des ateliers (Jérusalem, Acre, la Syrie, le mont Sinaï, Chypre) et celui de l'origine des artistes restent cependant ouverts. S'agit-il de peintres latins (français et italiens surtout), qui, séjournant en Orient, avaient assimilé le style byzantin ? Ou d'Orientaux, introduisant dans leurs œuvres des notations occidentales pour se conformer au goût de patrons latins ? La petite icône de Saint Serge à cheval, conservée, avec la plupart des icônes dites des croisés, au monastère Sainte-Catherine du Sinaï et exécutée pour une donatrice occidentale, a été attribuée par K. Weitzmann à un Italien du Sud, peut-être des Pouilles, tandis que Doula Mouriki la rattache à toute une série d'œuvres d'origine chypriote. Chypre apparaît, en effet, au xiiie siècle, comme l'un des centres artistiques les plus importants de la Méditerranée orientale pour la peinture d'icônes. Mêlant, à des degrés divers, éléments orientaux[...]
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Écrit par
- Olivier CLÉMENT : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
- Catherine JOLIVET-LÉVY : maître de conférences à l'université de Paris-I
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