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ICÔNE

Signification de l'icône

Le VIIe Concile œcuménique (787) a justifié et formulé la « vénération » des « saintes images » en précisant que cette vénération n'est pas l'adoration mais son moyen, car l'icône, transparente à son prototype, permet de connaître Dieu par la Beauté.

L'Église tout entière, avec son architecture, ses fresques, ses mosaïques, constitue une gigantesque icône qui est à l'espace ce que le déroulement liturgique est au temps : « le ciel sur la terre », la symbolisation de la divino-humanité, lieu de l'Esprit où la chair-pour-la-mort se métamorphose en soma pneumatikon, en corporéité spirituelle.

Certes le Dieu vivant est radicalement inaccessible : le VIIe Concile œcuménique et le grand Concile de Moscou de 1666-1667 ont interdit de représenter le Père, « source » de la divinité. Mais celle-ci est rendue visible – « Qui m'a vu a vu le Père » (Jean, XIV, 9) – par l'incarnation de celui qui n'est pas seulement le Verbe de Dieu mais son Image. Le fondement de l'icône est donc christologique : « Puisque l'Invisible, s'étant revêtu de la chair, est apparu visible, tu peux figurer la ressemblance de Celui qui s'est fait Théophanie » (saint Jean Damascène). Par là même l'icône est aussi pneumatologique, elle anticipe la Transfiguration ultime de l'humanité : dans le Corps du Christ, lieu d'une perpétuelle Pentecôte, l'homme créé à l'image de Dieu peut trouver dans l'Esprit son vrai visage. C'est ce visage que suggère l'icône en illustrant l'enseignement ascétique et mystique de l'Orthodoxie sur la « déification » : la réduction intériorisante des oreilles et de la bouche, le front dilaté et lumineux, le cou gonflé par le Souffle vivifiant, le visage devenant « tout yeux » (Corpus macarianum), c'est-à-dire pure transparence, la représentation toujours frontale (le profil serait objectivation), tout indique un être devenu à la fois « prière pure » et pur accueil.

L'icône n'est pas consubstantielle à son prototype et, tout en utilisant le symbolisme, elle n'est pas elle-même symbole. Elle fait surgir, non sans une certaine rigueur « portraitique », une présence personnelle ; et le symbolisme montre cette présence, et toute l'ambiance cosmique autour d'elle, saturée de la paix et de la lumière divines. Les chairs et les vêtements sont illuminés par l'« assiste » (de fines hachures dorées) ; animaux, plantes et rochers sont stylisés selon une sorte d'essentialité paradisiaque ; les architectures deviennent un jeu surréaliste, défi évangélique à la pesanteur de ce monde.

La Jérusalem céleste, c'est-à-dire l'univers transfiguré que suggère l'icône, « n'a besoin ni du soleil ni de la lune, c'est la gloire de Dieu qui l'éclaire » (Apoc. XXI, 23). Dans l'icône, la lumière ne provient donc pas d'un foyer précis, elle est partout, sans projeter d'ombre (c'est le fond même de l'image que les iconographes nomment « lumière ») et toute réalité semble intérieurement ensoleillée. La perspective, souvent inversée, ouvre l'espace sur cette plénitude où disparaît l'extériorité.

L'icône a une valeur non seulement pédagogique mais « mystérique », quasi sacramentelle, que scelle une bénédiction solennelle de l'Église. « Nom » (au sens biblique) représenté et toujours inscrit de part et d'autre du visage, elle montre chaque personne sanctifiée comme le sacrement de la Lumière et de la Beauté divines. Chaque présence révèle, en effet, un nouveau visage de la divino-humanité, et, loin de s'interposer, entraîne les fidèles dans son adoration, les introduit à la communion des saints.

L'art de l'icône dépasse l'opposition,[...]

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<it>Madone</it>, entourage d'A. Roublev - crédits :  Bridgeman Images

Madone, entourage d'A. Roublev

<it>Trinité, ou Philoxénie d'Abraham</it>, A. Roublev - crédits :  Bridgeman Images

Trinité, ou Philoxénie d'Abraham, A. Roublev

Monastères des Météores - crédits : Hans Strand/ Getty Images

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