ICONOCLASME. VIE ET MORT DE L'IMAGE MÉDIÉVALE (expositions)
Dans le cadre plus large des manifestations organisées en 2001 par les musées du Rhin supérieur autour de l'année 1500, envisagée comme tournant de siècle, le musée d'Histoire de la ville de Berne (2 novembre 2000-16 avril 2001) puis le musée de l'Œuvre Notre-Dame à Strasbourg (12 mai-26 août 2001), ont consacré une exposition importante à l'Iconoclasme. Vie et mort de l'image médiévale. Préparée avec soin et présentée selon une muséographie impeccable, l'exposition a remporté un vif succès mérité, tant à cause des œuvres montrées – plus de 238 peintures et sculptures, certaines pour la première fois –, que grâce au parti intelligent retenu par ses commissaires, C. Dupeux, P. Jezler, J. Wirth, aidés de G. Keck, C. von Burg et S. Marti, de replacer les objets dans leur environnement global. Cela permit de voir la place occupée par les images dans la trame quotidienne des débats et des conflits portant sur leur statut et leur légitimité sociale, de comprendre aussi ces nombreux moments critiques au cours desquels s'opposaient des parties profondément divisées sur les sujets des représentations religieuses, le style, les fonctions, dès le xive siècle, mais surtout durant les années cruciales 1520, 1530, 1540. À l'aide des pièces réunies et pour chacune de ces crises, l'on saisissait alors ce qui avait modifié au fil des jugements proférés, des anathèmes lancés, les manières de regarder les images religieuses, les classements auxquels on les soumettait et les attentes que l'on plaçait en elles. Les oppositions n'étaient plus aussi nettes entre le Moyen Âge et les Temps Modernes, entre l'art et l'image, le sacré et le religieux. Dans bien des cas, il s'agissait de tendances longues, durables, qui finirent par être révélées en ces premières décennies du xvie siècle et qui pouvaient resurgir à n'importe quel moment, comme ce fut le cas au xxe siècle durant des épisodes bouleversants, comme la chute du Mur de Berlin en novembre 1989. La dernière section de l'exposition s'y intéressait à juste titre.
Trônes de grâce, Trinités tricéphales, Vierges ouvrantes, les pratiques médiévales de l'image pieuse avaient vite fait, aux yeux des clercs et de certains théologiens catholiques, de dégénérer en conduites superstitieuses et parfois dangereuses. Provenant de l'abbaye d'Alspach, près de Kaysersberg (Alsace), la Vierge de la chapelle Saint-Michel est à classer dans la typologie de ces images contestées par l'Église. Chancelier de la Sorbonne à l'époque du grand schisme d'Occident, Jean Gerson (1363-1429) s'en prenait sans détour à ces Vierges ouvrantes : « Il faut veiller, écrit-il, à ce qu'aucun récit faux ne soit peint. Je dis cela en partie à cause d'une image qu'on trouve chez les carmes, et d'autres semblables, qui ont une Trinité en leur ventre, comme si la Trinité tout entière avait pris chair humaine en la Vierge Marie. Je juge ces images dépourvues de beauté et de dévotion ; elles peuvent même provoquer l'erreur et l'impiété. »
Un siècle plus tard, vers 1520-1525, les grands réformateurs ne dirent pas autre chose. À l'exception de Calvin, impitoyable sur ce sujet, Luther, Zwingli, Bucer ne furent pas hostiles aux images elles-mêmes mais à la croyance aveugle aux bonnes œuvres, au nombre desquelles ils les rangeaient. De leur temps, parmi les religieux, beaucoup se laissaient aller à ce qu'ils jugeaient pourtant être de l'idolâtrie pure et simple, telles ces dominicaines du couvent de Diessenhofen, dans le canton de Thurgovie, qui aimaient jouer avec des Enfants Jésus sculptés et peints comme avec des poupons. Sur ces pratiques et sur les objets de la vie la plus quotidienne des nonnes, une très belle exposition du musée d'Unterlinden[...]
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Écrit par
- Daniel RUSSO : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne
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