ICONOGRAPHIE ET ICONOLOGIE
Le terme « iconologie » apparaît en 1593 avec l'Iconologia de Cesare Ripa et désigne un recueil d'allégories morales à l'attention des artistes. Le terme « iconographie », forgé au cours du xviie siècle, désigne un ensemble d'images réunies pour leur contenu, telle L'Iconographie de Van Dyck (1645), rassemblant les portraits d'hommes illustres. L'un et l'autre deviennent progressivement interchangeables et finissent par se superposer. Toutefois, dans la première moitié du xxe siècle, on leur assigne des notions distinctes qui, développées et théorisées par les historiens de l'art allemands Aby Warburg et Erwin Panofsky, ont suscité nombre de critiques. Si l'on tient à conserver la distinction terminologique, l'iconographie pourrait aujourd'hui désigner tout simplement le contenu d'une image, et l'iconologie, la méthode qui l'étudie.
La genèse d'une méthode
L'iconologie, durant le deuxième quart du xixe siècle, devient une branche à part entière de la jeune histoire de l'art, qui vient compléter l'attributionnisme (traduction réductrice de connoisseurship) et l'histoire des formes. Elle consiste à restituer les significations perdues des œuvres d'art du passé. C'est donc moins dans la littérature descriptive d'écrivains d'art tels que Giorgio Vasari au xvie siècle ou Giovan Pietro Bellori au xviie, fondée sur une culture accessible à leurs contemporains, qu'il convient de rechercher ses racines, que dans la littérature normative de la Contre-Réforme. En 1563, la dernière session du concile de Trente, dévolue aux images, vise à réglementer la production artistique, en prescrivant ce qu'il convient de représenter. Elle génère plusieurs écrits qui, tel le Traité des saintes images (1570) du théologien Johannes Vermeulen, dit Molanus, justifient l'image chrétienne en la rattachant à la tradition médiévale, ainsi réhabilitée.
À mesure que la production religieuse se transforme, l'érudition chrétienne pallie la compréhension déclinante de l'art ancien en passant progressivement d'un discours normatif à un discours historique. Le mouvement de bascule s'opère durant le deuxième quart du xixe siècle, dans un contexte qui, marqué par la redécouverte du Moyen Âge, coïncide avec l'essor des sciences historiques. Il donne ainsi naissance à une iconologie qui s'ignore encore et dont l'objet consiste principalement à décrypter, à l'aide de sources textuelles, les thèmes et les motifs de l'art religieux produit au Moyen Âge. L'Iconographie chrétienne. Histoire de Dieu (1843) de l'archéologue Adolphe-Napoléon Didron donne une impulsion à cette nouvelle approche qui, développée durant la seconde moitié du xixe siècle, focalise son intérêt sur le contexte liturgique et sur la constitution de traditions propres aux images, affranchies des textes. En témoignent d'une part les travaux fondamentaux de l'historien de l'art français Émile Mâle, à commencer par L'Art religieux du XIIIe siècle en France (1898), d'autre part le monumental Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie entrepris dès 1907 par le liturgiste Fernand Cabrol.
Parallèlement, les mêmes préoccupations se manifestent en Allemagne, où la grande tradition des connaisseurs, concentrés sur la question du style, suscite la réaction d'érudits privilégiant l'étude des documents et des textes. Cette étude systématique des sources littéraires prépare la voie à de vastes répertoires tels que l'Ikonographie der christlichen Kunst de Karl Künstle (1926-1928), dont l'historien de l'art français Louis Réau proposera une adaptation dans son Iconographie de l'art chrétien (1955-1959), et auquel répond L'Iconographie de l'art[...]
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Écrit par
- Frédéric ELSIG : docteur ès lettres, maître assistant en histoire de l'art médiéval à l'université de Genève (Suisse)