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ICONOGRAPHIE ET ICONOLOGIE

La méthode et ses principes

Entre-temps, l'art profane, réhabilité par la génération positiviste des années 1860, devient au tournant du siècle le terrain de prédilection de l'iconologie. Celle-ci, au moment où l'histoire de l'art se cherche des justifications doctrinales, prend conscience d'elle-même, comme en témoigne en 1899 le Vocabulaire de l'Accademia della Crusca, académie romaine visant à garantir la pureté de la langue italienne, qui définit désormais l'« iconographie » comme une méthode. Dans une célèbre conférence tenue à Rome en 1912, Warburg, qui utilise pour la première fois l'expression « analyse iconologique » dans ce sens, en fixe les principes, décryptant, sur la base de textes, la signification perdue du programme astrologique peint par Francesco del Cossa et ses collaborateurs vers 1470 dans le Palais Schifanoia de Ferrare. Influencé par l'anthropologie, il met en évidence la survivance de l'Antiquité classique dans le Moyen Âge et la Renaissance, en s'intéressant particulièrement à la tradition dionysiaque (magie, astrologie, etc.). Il interprète ainsi les œuvres d'art comme des énigmes singulières à résoudre en fonction d'un contexte culturel dont elles constituent les symptômes.

La méthode de Warburg amorce un processus de dissociation, qu'énonce pour la première fois avec clarté l'historien de l'art hollandais Godefridus Johannes Hoogewerff, lors d'un congrès international des sciences historiques à Oslo en 1928, entre, d'une part, l'iconographie conçue comme l'identification des motifs et des thèmes, et, d'autre part, l'iconologie, qui dépasse ce stade pour interpréter l'image comme l'expression d'une civilisation. Elle s'appuie sur la constitution d'une vaste bibliothèque qui, réunie par Warburg à Hambourg, sera transférée à Londres en 1933 et constituera le noyau de recherche de plusieurs historiens de l'art. Parmi ceux-ci, Panofsky, profondément influencé par l'idée de l'art comme « forme symbolique » énoncée par le philosophe Ernst Cassirer (son collègue à l'université de Hambourg), en devient le principal théoricien. Dans ses Essais d'iconologie (1939, trad. franç., 1967), il distingue, pour la lecture d'une image, trois niveaux successifs, dont chacun présuppose un outillage mental et nécessite des moyens de contrôle. Le premier (la description préiconographique), qui consiste en une approche purement formelle, requiert une familiarité avec l'histoire du style. Le deuxième (l'analyse iconographique), qui vise à identifier les motifs et les thèmes, implique une connaissance des sources littéraires et des conventions propres à l'image. Le troisième (baptisé en 1955 « interprétation iconologique »), qui vise à comprendre le contenu de l'image comme le symptôme d'une civilisation, doit passer par une connaissance des « tendances essentielles de l'esprit humain ».

Durant la seconde moitié du xxe siècle, la méthode de Panofsky, dont le rôle a été déterminant dans la constitution d'une approche pluridisciplinaire de l'art, exerce un impact profond sur de nombreux historiens de l'art. Elle rencontre toutefois des critiques, qui mettent en évidence d'abord la faible applicabilité du troisième niveau, à l'avantage du deuxième (le décryptage des thèmes et du « symbolisme déguisé »), ensuite la difficulté d'entrer dans le premier niveau sans passer par le troisième, rendant ainsi fragile la distinction entre iconographie et iconologie. De nouvelles approches, conditionnées par un relativisme croissant et centrées sur le contexte social, ont fait évoluer l'iconologie de la diachronie vers la synchronie, en mettant désormais l'accent sur la structure, la rhétorique et la fonction de l'image.[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, maître assistant en histoire de l'art médiéval à l'université de Genève (Suisse)