IDÉALISME
La logique et l'idéalisme
Il est probable que l'idéalisme se sépare du réalisme en accordant au jugement la primauté sur le concept. Ce sont les concepts qui ont d'abord la charge de l'import ontologique. Admettre que le jugement définit des concepts, ou que les concepts dérivent des jugements, équivaut à définir les concepts au moyen des relations ; alors ils dépendent directement de l'activité intellectuelle et linguistique du sujet pensant, et indirectement des objets. Ce serait à ce niveau – la théorie du concept – qu'il faudrait se placer pour décider de l'idéalisme ou du réalisme en logique. La logique mathématique contemporaine, à la différence de la logique ancienne, ne comporte pas de théorie du concept. Elle est une théorie des techniques déductives et de leurs propriétés, considérées sous deux rapports, celui des significations (théorie des modèles) et celui des symboles concrets (syntaxe ou théorie de la démonstration). Avec la meilleure volonté du monde, il est difficile d'y trouver une métaphysique sous-jacente. S'agit-il de la définition de la vérité ? L'idéalisme demande une conception « cohérentiste » du vrai, entendu comme l'accord des représentations entre elles ou comme la compatibilité d'une représentation avec la représentation en général (cf. réalisme). En effet, attendu que rien n'existe en dehors de la représentation, il ne saurait être question de comparer la représentation à quelque chose d'autre qu'elle. La définition de la vérité comme cas limite de la satisfaction (Alfred Tarski, Le Concept de vérité dans les langages formalisés, 1930) n'est ni réaliste (vérité-correspondance) ni cohérentiste. La correspondance n'y est pas un rapport entre des énoncés et des faits, mais un rapport entre deux énoncés. Pour découvrir, dans la logique mathématique, des éléments susceptibles d'une interprétation philosophique éventuelle, il faut écarter les règles et les calculs (qui sont dénués d'intérêt) et considérer les théorèmes qui portent sur les systèmes formels et les structures ou les classes de structures. Certains d'entre eux font apparaître une impossibilité de déterminer exactement une ontologie abstraite au moyen d'un ensemble de formules du premier ordre (c'est-à-dire sans variables à valeurs de sous-ensembles du domaine de la structure). Mais cette conséquence, qui a surpris (Löwenheim-Skolem, non-catégoricité de l'arithmétique élémentaire et de la plupart des structures algébriques), est moins inattendue qu'il apparaît : est-il raisonnable de demander à la logique, ensemble systématique de procédés déductifs et techniquement nominaliste, d'engendrer une ontologie ? Des résultats comme l'incomplétude de l'arithmétique élémentaire (Kurt Gödel, 1931) montreraient que la démontrabilité formelle peut ne pas recouvrir exactement la vérité dans un modèle. La réalité ontologique déborde la générativité du formalisme. La « relativité ontologique », fort discutée, est une conséquence naturelle de l'axiomatisation, dont le propre est de ne pas spécifier la nature des êtres qui satisfont les relations exprimées dans les axiomes. L'ontologie qu'on obtient dépend des moyens qu'on se donne ; on ne devrait pas espérer faire sortir quelque chose de rien ou de presque rien. Bref, sur l'idéalisme et le réalisme, la logique est neutre. D'ailleurs, il est vain d'escompter que l'un de ces deux choix métaphysiques se laisse un jour réduire à l'absurde par des arguments ou par des preuves. Mais la fécondité de chacun des deux choix peut tarir provisoirement pour une longue période. Le réalisme à la fin du Moyen Âge a subi ce genre de revers, et rien n'exclut qu'aujourd'hui l'idéalisme ne soit pas proche d'atteindre un point singulier. L'histoire de la philosophie, tel l'univers de [...]
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Écrit par
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