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DÉNOMBREMENT IDÉE DE

Le dénombrable

Le lecteur peu habitué aux mathématiques supérieures peut être ici gêné par une confusion que saura éviter l'expert. S'agissant de nombres entiers, rien n'est à craindre si les éléments de l'ensemble considéré sont des objets concrets ou même abstraits, mais non numériques ; en revanche, il y a risque d'incompréhension si ces éléments sont eux-mêmes des nombres. Les deux ensembles E1 = {a, b, c, d, e} et E2 = {1, 2, 3, 4, 5} ont même nombre d'éléments ; on dit alors que le « cardinal » de E1 est égal au « cardinal » de E2, c'est-à-dire à 5. C'est seulement pour E2 que la notion de nombre entier joue à deux niveaux : 5 est un des éléments, 5 est aussi le nombre des éléments de l'ensemble.

Cela dit, comment caractériser les ensembles dénombrables ? Pour y parvenir, il nous faut passer par les notions d'égalité et d'équivalence, d'une part, par la distinction entre ensemble fini et ensemble infini, d'autre part, et mobiliser les opérations élémentaires sur les ensembles (l'inclusion essentiellement).

Premièrement, deux ensembles sont équivalents si à chaque élément de l'un correspond un élément et un seul de l'autre, et réciproquement, c'est-à-dire s'ils sont en correspondance biunivoque. L'ensemble des élèves d'une classe et l'ensemble des chaises sur lesquelles ils sont assis sont des ensembles équivalents. Mais, comme on va voir, l'équivalence se distingue de l'égalité. Intuitivement, on voit tout de suite que l'ensemble F1 des nombres entiers F1 = {1, 2, 3, 4, ...} est un ensemble infini, c'est-à-dire ayant un nombre infini d'éléments, chacun étant un nombre entier, tandis que les ensembles E1 et E2 mentionnés plus haut étaient deux ensembles finis, égaux entre eux car ayant le même cardinal. Intuitivement, on voit non moins vite que l'ensemble des nombres entiers pairs F2 = {2, 4, 6, 8, ...} est aussi un ensemble infini. Toujours au niveau de l'intuition, on est tenté de dire que F1 et F2 ne sont pas égaux entre eux, car on a manifestement F2 ⊂ F1, l'ensemble F1 comportant tous les éléments de F2, mais aussi tous les nombres impairs. En revanche, F1 et F2 sont équivalents, comme on le voit en écrivant :

Même en allant à cet infini indiqué par les points de suspension, à chaque élément de F1 correspond un élément de F2 et un seul. Aussi comprend-on la distinction faite par Dedekind entre ensemble fini et ensemble infini, à partir des notions comparées d'égalité et d'équivalence : « S'il existe un sous-ensemble de F1 équivalent à F1, F1 est un ensemble infini. » Ici F2 est un sous-ensemble de F1 équivalent à F1. Mais alors qu'en est-il du nombre des éléments de F1, comparé au nombre des éléments de F2 ? F1 et F2 ont le même cardinal puisqu'ils sont équivalents, mais ce nombre cardinal est un nombre qu'on appellera transfini et désignera par ℵ (aleph) ; nous pourrons dire alors avec Breuer : « Nous appelons ensembles dénombrables des ensembles de puissance ℵ. Les ensembles dénombrables sont donc des ensembles pour lesquels on peut réaliser une application sur l'ensemble des nombres naturels, en d'autres termes, dont les éléments peuvent être ordonnés en une suite ; ils ont un premier élément, un deuxième, un troisième, etc. »

Si un ensemble est dénombrable, il y a lieu de démontrer qu'il l'est. Soit par exemple l'ensemble des nombres premiers, qu'on appellera F3. On sait déjà qu'il est infini, car on peut toujours trouver un nombre premier plus grand que celui qu'on a sous les yeux, quelque grand que soit celui-ci : Euclide l'a démontré. Comme d'autre part on peut les ranger en une suite comme on le fit plus haut pour E2, on peut toujours[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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