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IDENTIFICATION

Dans l'acception psychologique de la notion, la forme d'identité la plus directement accessible est celle qu'a dégagée, en rupture avec la tradition cartésienne, la critique de la substantialité du moi. « Le soi (Self), écrit Locke, est cette chose pensante consciente (de quelle substance elle est formée, spirituelle ou matérielle, simple ou composée, il n'importe) qui est sensible au plaisir et à la peine ou en est consciente, capable de bonheur ou de malheur, et qui ainsi est intéressée (concerned) pour soi-même... Ce à quoi la consciosité (Leibniz, dans les Nouveaux Essais, traduit ainsi consciousness) de cette chose consciente peut se joindre forme une même personne et un même soi avec elle, et avec aucune autre, et ainsi s'attribue à elle-même et possède toutes les actions de cette chose comme siennes, autant que cette consciosité s'étend, et pas plus loin » (Essai sur l'entendement humain, II, xxvii, 17).

Une expérience immédiate de notre identité nous est donc donnée sous les espèces d'un domaine d'appartenance spécifié par la qualité de nos affections, et se différenciant, à ce titre, du champ de l'extériorité. Épreuve immédiate, non pas évidence réflexive, comme l'était le cogito ; déployée d'emblée dans l'extension d'un domaine contrasté, et non plus réduite à l'inscription dans l'existence d'une énonciation ; caractérisée comme souci singulier, et non posée comme vérité ; délimitée dans sa portée par rapport à une extériorité indifférente, et non pas assumée dans la suffisance de sa clarté.

S'il existe, néanmoins, un problème de l'identification, c'est que l'identité peut être considérée non plus en tant que forme, mais dans sa genèse. De ce point de vue, le domaine d'appartenance décrit par Locke se présente comme la résultante d'une élaboration complexe, dont la tradition philosophique issue de Plotin et de saint Augustin a restitué le noyau dans l'image spéculaire, avant que celle-ci reçoive son statut dans la théorie psychanalytique : « L'assomption jubilatoire de son image spéculaire par l'être encore plongé dans l'impuissance motrice et la dépendance du nourrissage qu'est le petit homme à ce stade infans – pour reprendre les termes de Jacques Lacan dans l'un de ses premiers textes (1949) – nous paraîtra dès lors manifester en une situation exemplaire la matrice symbolique où le je se précipite en une forme primordiale, avant qu'il ne s'objective dans la dialectique de l'identification à l'autre et que le langage ne lui restitue dans l'universel sa fonction de sujet. »

Ainsi, tandis que la « consciosité » de Locke traçait les limites du domaine d'appartenance auquel était censée se réduire l'identité, c'est à partir d'une tension originaire de l'« intérieur » à l'« extérieur », dans la brisure de l'immédiateté de la conscience affective, que l'aliénation spéculaire est destinée à transmettre son modèle aux puissances successives de l'identification.

De l'identification imaginaire à l'identification symbolique

Aussi bien l'alternative ouverte au stade spéculaire se répétera-t-elle au niveau des premiers investissements d'objet, le concern de Locke y trouvant son équivalent dans le « souci » (cura) de saint Augustin. « La force de l'amour est telle, nous dit un passage célèbre du De Trinitate, que les objets en lesquels l'âme s'est longtemps complu par la pensée et auxquels elle est devenue inhérente par la glu du souci (eisque curae glutino inhaeserit), elle les traîne encore avec elle-même (attrahat secum etiam) lorsqu'elle rentre en soi en quelque façon pour se penser ; ces corps, elle les a aimés à l'extérieur d'elle-même[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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