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IDENTIFICATION

Angoisse et identification

Mais voici que s'ouvre, inopinément, un nouveau champ de recherches. Car « le problème, ajoute Freud, n'est pas réglé pour autant ; il y a encore place pour une spéculation théorique qui renverse le résultat acquis ou le place sous un nouveau jour ».

On évoquera ici la métapsychologie d'Inhibition, Symptôme, Angoisse (1926), et de façon générale, la nouvelle conception de l'angoisse introduite par la seconde topique. De ce point de vue, en effet, le signal d'angoisse anticipe sur l'éventualité d'une rupture de la « barrière de défense » destinée à maîtriser un surplus d'excitation en assurant sa liaison. Sans doute suffirait-il donc d'appliquer à l'angoisse de castration cette grille théorique pour interpréter l'allusion, à cette date encore énigmatique, de Freud. Dans la liaison qui prévient la submersion, on reconnaîtra le modèle de l'inscription du trait identificatoire où se conserve la trace de la mise hors jeu de l'objet libidinal. Il est vrai qu'ici la dépossession a été déjà subie, tandis que dans l'angoisse de castration est anticipée et écartée la situation dont la mutilation narcissique (castration) eût été la sanction. Remarquons seulement que, si la dépossession de l'objet libidinal s'opère dans le renoncement à la jouissance, sa maîtrise dans la forme du trait identificatoire pourrait être considérée comme relevant, au même titre que l'angoisse de castration, d'une visée prospective. Dans cette vue, auraient à être évoquées la position respective, à l'endroit de la castration, de la fille et du garçon, ainsi que la relation du deuil à l'identification.

Mais peut-être alors discernera-t-on quelle était en 1923, dans la pensée de Freud, cette « spéculation théorique » destinée à nouer entre eux organisation phallique, complexe d'Œdipe, menace de castration, formation du surmoi, et à fonder le trait identificatoire en son statut métapsychologique – cette « spéculation » pour laquelle l'article de 1937, Analyse finie et analyse infinie, avait de bonnes raisons d'admettre le concours de l'imagination (Fantasieren).

Dès 1912, c'est en effet dans la forme d'un mythe, le mythe de Totem et Tabou, que la prémisse majeure en était posée. Dans l'organisation du surmoi, en contrepoids du narcissisme collectif du langage naissant, se trouve liée l'angoisse issue de la destitution de la toute-puissance signifiante, tandis que de la marque de l'omnipotent dessaisi se constitue, sous les espèces du Totem, l'inscription génératrice de l'identification collective. Ainsi promue au niveau sociologique et rendue solidaire de l'accession au langage sous la sanction de la culpabilité, cette identification au Mort commandera, en raison même de sa constitution négative, le déploiement des formes idéales de la sublimation.

Le mythe phylogénétique assigne donc au dessaisissement ontogénétique son modèle. Il est vrai que le mythe fonde l'identité collective sur un acte – acte de destruction de l'omnipotent, tandis que l'analyse ontogénétique présente simplement le trait identificatoire comme le substitut d'un attribut de l'objet perdu. Revenons pourtant à l'éclipse de l'organisation œdipienne. Freud insiste sur le fait qu'elle n'est pas assimilable à un refoulement, mais à une destruction (Zerstörung) ou à une suppression (Aufhebung). Ainsi sommes-nous amenés à penser que la substitution ontogénétique du trait identificatoire à l'investissement libidinal n'est pas sans analogie avec la mise hors circuit de l'omnipotent, en d'autres termes, qu'elle est elle-même, à quelque égard, l'équivalent d'un acte de destruction. De fait, à lire Moïse et le monothéisme[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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