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IDENTITÉ

Psychologie

Nature et dimensions de l'identité personnelle

Prise au sens littéral de similitude absolue, l'identité personnelle (je suis je) n'existe pas ! L'identité interpersonnelle (je suis un autre) n'existe pas non plus, même dans le cas de jumeaux vrais. L'identité collective est également impossible, les membres d'un nous étant, tout au plus, des « semblables ». Et, pourtant, les variations ne peuvent exister sans quelque invariant structural permettant la comparaison. Il importe dès lors de prendre en compte le caractère paradoxal de l'identité, qui se construit par la confrontation, de la similitude et de la différence. C'est E. Erikson qui a eu le mérite, vers 1950, d'introduire dans les sciences humaines une réflexion systématique sur l'identité personnelle et sociale. Malgré cette ouverture, les scientifiques ont boudé les recherches sur le sujet, qui n'a connu un regain d'intérêt que depuis la fin des années soixante-dix, à la suite de mouvements divers centrés sur la perte, la quête ou l'affirmation d'identités multiples. La désaffection pour le sujet pourrait aussi partiellement s'expliquer par une réaction salutaire à l'encontre de « moi » ou de « nous » monadiques, égocentriques ou sociocentriques. Mais on ne peut faire longtemps silence sur une notion sous prétexte de connotations idéologiques, sans expliquer autrement les faits dont elle était porteuse.

En un sens restreint, l'identité personnelle concerne le « sentiment d'identité » (idem, mêmeté), c'est-à-dire le fait que l'individu se perçoit le même, reste le même, dans le temps. En un sens plus large, on peut l'assimiler au « système de sentiments et de représentations » par lequel le sujet se singularise (is dem, ipséité). Mon identité, c'est donc ce qui me rend semblable à moi-même et différent des autres ; c'est ce par quoi je me sens exister aussi bien en mes personnages (propriétés, fonctions et rôles sociaux) qu'en mes actes de personne (significations, valeurs, orientations). Mon identité, c'est ce par quoi je me définis et me connais, ce par quoi je me sens accepté et reconnu comme tel par autrui. Les dimensions de l'identité personnelle dépendent, en effet, pour une large part des idéologies de la personne qui traversent une culture donnée.

La première dimension, la continuité, permet au sujet de se situer tout à la fois dans le temps et dans l'espace individuels et collectifs ; dans l'horizon temporel et dans les territoires personnels comme dans l'histoire et la géographie des groupes sociaux et culturels de référence. La deuxième dimension, l'intégration, la cohérence intrasystématique, peut être assimilée à la fonction de personnalité, si l'on définit celle-ci comme coordination des conduites dans un temps et un espace maîtrisés. Mais, pour que l'identité s'instaure comme système relativement unifié et continu, elle doit être initialement posée, et posée de nouveau en ses moments successifs, par des actes de séparation, d'autonomisation et d'affirmation, par la différenciation cognitive et l'opposition affective. Sans cela, l'individu s'aliène dans la dépendance, se dilue dans l'assimilation à autrui. Cette troisième dimension, associée aux précédentes, montre le caractère non homogène de l'identité, qui est indissolublement personnelle et sociale, et qui suppose un effort constant de différenciation et d'affirmation aussitôt limité par la conformité sociale ou la perte de soi dans l'autre ; un effort constant d'unification, d'intégration et d'harmonisation, aussitôt démenti et constamment renouvelé.

À la séparation d'avec le milieu externe s'ajoutent le dédoublement, le clivage interne,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en science politique à l'université de Paris-X-Nanterre
  • : docteur en philosophie, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : chargée de recherche au CNRS
  • : professeur de psychologie, directeur de l'U.E.R. des sciences du comportement et de l'éducation à l'université de Toulouse-le-Mirail

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Découverte de soi - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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