IDYLLE, genre littéraire
Le mot eïdullion, dans la poésie alexandrine, indique un poème court, de style moyen et d'écriture vive, à sujet essentiellement descriptif. Ce dernier point a longtemps fait assimiler, chez les lexicographes, l'idylle à un petit tableau verbal. Tout vient, pour notre tradition culturelle, des Idylles de Théocrite. Mais parmi la trentaine de ces textes ainsi génériquement appelés, les espèces, comme les sujets, sont variés : dialogues, descriptions prises en charge par le poète ou par un personnage qui parle, développements dramatiques (mimes) ; de même, on lit des variations légendaires qui se rattachent à l'épopée. Les poèmes le plus nettement caractérisés sont aussi le plus emblématiques : ce sont les compositions à sujet manifestement pastoral (on peut dire aussi bucolique). D'une part, le poète présente et décrit une scène de la vie rustique ; d'autre part, des campagnards rivalisent dans un concours poétique sur un thème légendaire, ou amoureux, ou encore simplement descriptif. On voit comment diverses inflexions génériques peuvent en fait se mouler dans ce type d'œuvre. Surtout, il convient d'insister sur l'unité stylistique de cette manière littéraire : simplicité langagière, expression imagée et concrète qui rendent le naturel et le pittoresque.
Il est normal de ranger sous cette catégorie les Bucoliques de Virgile, du moins dans la stylisation de la mise en scène qui supporte le concours de chant des paysans, même si l'inspiration idéologique s'écarte sensiblement de l'« innocence » alexandrine. De ce point de vue, on peut se demander si, dans l'Antiquité latine, Ausone, ce Bordelais du ive siècle, n'est pas le vrai représentant de l'idylle. On peut en effet considérer que son plus fameux poème, La Moselle, constitue un modèle dans la veine moderne de l'idylle : description animée et pittoresque d'un décor naturel. Dès lors, on admettra sans peine que la poétique de l'idylle réside dans la fusion d'un épanchement personnel, sentimental (le ton lyrique ou élégiaque) et d'une description de la nature (qui permet la pratique de l'églogue, qu'elle soit ou non dialoguée). À cet égard, on n'a aucune raison, du lieu culturel d'où nous parlons, l'Occident, de ne pas analyser comme idylles les poèmes du Moyen Âge chinois comme ceux de Tao Yuanming, ou ceux, composés selon des canons formels plus rigides (des quatrains penta- ou heptasyllabiques), de Xie Lingyun. De la même façon, de la fin du xvie jusqu'au xxe siècle, toute une littérature se développe dans cette tonalité en France, depuis le premier recueil d'Idylles en vers français de Vauquelin de La Fresnaye, jusqu'à la fameuse Idylle sur la feuille morte d'Arnault. Pour le reste de l'Europe, trois auteurs ont également marqué le genre : le plus célèbre de tous est, au xviiie siècle, le Suisse alémanique S. Gessner, dont les Idylles furent très largement imitées ; au xixe siècle, l'Anglais A. Tennyson, avec ses Idylles du roi ; plus tard encore, le Grec G. Drosinis, dont les Idylles ont un peu plus de relief populaire. Il est non moins patent que, chez tous ces représentants parfaits de la veine idyllique moderne, le contenu se caractérise également, dans l'ensemble, par le caractère conventionnel des sentiments et des idées évoqués ou illustrés.
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Écrit par
- Georges MOLINIÉ : agrégé de lettres, docteur de troisième cycle, docteur ès lettres, professeur des Universités, université de Paris-IV-Sorbonne, directeur de l'Institut de langue française
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