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IGNACE D'ANTIOCHE saint (mort entre 100 et 117)

Deuxième successeur de Pierre comme évêque d'Antioche, selon une liste communiquée par Eusèbe de Césarée, Ignace ne nous est guère connu que par ses lettres qui ont été conservées ; celles-ci ont d'ailleurs été transmises dans des recensions de différentes longueurs ; la grande majorité des critiques s'accorde aujourd'hui à estimer authentique la recension dite moyenne. À l'occasion d'une persécution qui se situe sous le règne de Trajan sans qu'on puisse fixer une date plus précise, l'évêque d'Antioche est condamné à être livré aux bêtes à Rome. Avec d'autres condamnés, il y est conduit sous bonne escorte. Sur le chemin, d'étape en étape il reçoit la visite d'envoyés d'autres Églises ; il écrit à ces Églises, à celles des villes où il s'est arrêté, à saint Polycarpe, évêque de Smyrne, aux chrétiens de Rome, enfin, qu'il va rejoindre.

Il n'est sans doute pas exagéré de dire que, après les textes du Nouveau Testament, les lettres d'Ignace représentent, pour l'ecclésiologie, le dogme et la spiritualité, le document le plus important qui nous soit parvenu sur les origines chrétiennes au tout début du iie siècle. Le chef d'Église y exprime avec autant d'autorité que d'insistance son souci, presque son obsession, de l'unité à garder pour chaque Église autour de son évêque et pour toutes les Églises entre elles. Le gardien du mystère de Jésus-Christ y multiplie les mises en garde contre les interprétations docétistes et les tentations gnostiques. Le mystique y libère son désir du martyre, en des termes qui appellent la comparaison avec les confidences les plus personnelles et les plus brûlantes de saint Paul.

À une différence près, toutefois : Ignace appartient déjà à la nouvelle génération chrétienne pour laquelle l'espoir du retour triomphal de Jésus a perdu, bon gré mal gré, son caractère d'urgence immédiate. « L'accent n'est plus placé ici sur l'attente collective de la parousie, mais sur la libération de l'homme par la mort et l'union au Christ » (Hamann, Lettres chrétiennes, no 2 ; L'Empire et la Croix, 1957). Immergé dans la longue durée d'une histoire humaine que le salut messianique commande mais n'abrège pas, Ignace doit s'accorder, sur deux registres différents (bien que non incompatibles), aux perspectives communautaires de l'homme d'Église et à l'aspiration individuelle de l'accomplissement par l'anéantissement, qui se confond pour lui avec la mort et le martyre.

« Rien de ce qui se voit n'est beau ; même notre Dieu, Jésus-Christ, ne s'est jamais mieux manifesté que depuis qu'il est retourné au sein du Père », écrit Ignace. Manifestation, épiphanie du « Verbe de Dieu sorti du silence », qui semble une réponse à l'impatience millénariste. En attendant ce jour, qui tarde tant, et auquel il est prudent de ne pas songer trop ardemment, où l'Agneau reviendra célébrer ses noces avec la Jérusalem nouvelle, la spiritualité d'Ignace est de se mettre en route pour le rejoindre par le silence et la mort : « Celui qui comprend véritablement la parole de Jésus, celui-là peut entendre son silence même ; c'est alors qu'il sera parfait ; il agira par sa parole et se manifestera par son silence. » D'où la crainte qu'éprouve Ignace en apprenant que les chrétiens de Rome agissent pour tenter de le soustraire au martyre et la lettre brûlante qu'il leur écrit pour les supplier de n'en rien faire : « Votre silence fera de moi une parole de Dieu ; mais si vous aimez trop ma chair, je ne serai plus qu'une voix ordinaire [...]. Il est beau de me coucher pour me lever en Dieu [...]. C'est quand le monde ne verra même plus mon corps que je serai un véritable disciple de Jésus-Christ. »[...]

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  • ANTIOCHE

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