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IGNACE DE LOYOLA saint (1491-1556)

La spiritualité ignatienne

Ce mystique, qui tenait dans son Journal spirituel la comptabilité de ses visions et de ses larmes, était un lucide qui sut passer de la piété chevaleresque de la Légende dorée à la spiritualité à la fois très méthodique et très affective de la devotio moderna dont il subit l'empreinte à Montserrat. Les Exercices spirituels, dont Ignace fut l'architecte, se situent dans la droite ligne de la spiritualité issue de Jean Ruysbroek et de Gérard Groote. Ils sont un livret pour guider la recherche de la volonté divine, à travers la méditation, la contemplation et le discernement des mouvements intérieurs de l'esprit. Aucun détail n'est négligé pour y parvenir, telles les sept doubles lignes sur lesquelles le pénitent marque ses fautes par des points, tels les conseils sur la manière de prier, telle la place faite au procédé qui consiste à accorder le rythme de la prière à celui de la respiration, etc. Méthode diabolique qui dissout la personnalité du retraitant, pensèrent Quinet et Michelet. Surtout patiente pédagogie qui voulait rendre le fidèle indifférent à tout ce qui n'est pas Dieu, et s'avéra éminemment capable d'aider les âmes d'élite encore hésitantes à se consacrer à l'apostolat. Le retraitant est appelé à « choisir le Christ pauvre de préférence à la richesse, les opprobres avec le Christ plein d'opprobres plutôt que les honneurs ».

Fortifié et confirmé par les Exercices spirituels, le chrétien n'abandonnera plus son sauveur. Éprouvé de même par de longues années de formation, le jésuite n'abandonnera pas son ordre ni l'Église. Ignace a compris beaucoup mieux que la plupart de ses contemporains que la Réforme protestante avait été surtout le fait d'hommes d'Église – Luther, Zwingli, Bucer, Knox... Il voulut constituer un corps d'élite, une troupe de choc disponible pour tout service et toute mission. Ainsi s'expliquent et la règle d' obéissance des jésuites au préposé général, qui a été si souvent critiquée hors de la Compagnie, et le vœu spécial d'obéissance au pape émis par les profès. Il serait trompeur de voir en cette obéissance un souvenir de la discipline des armées. Ignace ne fut militaire que huit jours et les armées de la Renaissance n'étaient pas précisément disciplinées. Le fondateur des Jésuites ne commandait jamais sans expliquer – et souvent longuement – les motifs de ses décisions, mais il exigeait des membres de l'ordre une obéissance comprise comme une véritable mortification et qui parut lourde à un vieux et fidèle compagnon tel que Bobadilla. Par un paradoxe qui n'est qu'apparent, cette obéissance ne fut, en fait, exigée que de fortes personnalités, celles qui étaient capables d'accepter la longue probation de la Compagnie. Ignace avait ainsi créé une milice singulièrement homogène, où néanmoins les individualités marquantes furent plus nombreuses, sous l'Ancien Régime, que dans n'importe quel ordre religieux catholique.

— Jean DELUMEAU

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Écrit par

  • : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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