GARDELLA IGNAZIO (1905-1999)
« J'étais fasciné par la confiance des rationalistes à pouvoir donner une nouvelle forme au monde entier, en même temps j'étais effrayé par l'idéologie de la machine. » Ces propos confiés peu de temps avant sa mort par Ignazio Gardella à Antonio Monestiroli révèlent les positions doctrinaires de l'architecte italien au terme d'une longue carrière.
Né le 30 mars 1905 à Milan, dans une famille génoise d'architectes et d'ingénieurs, Gardella obtient le diplôme d'ingénieur en 1931. « Ce choix, a-t-il déclaré, m'a libéré de ce mythe de la technique à la racine du Mouvement moderne qui a conditionné beaucoup d'architectes. Car il faut dire que la technique fascine toujours ceux qui n'en connaissent pas bien la logique. » Milan constitue son milieu culturel de référence : dès les années de lycée, il se lie d'amitié avec Luchino Visconti ; il fréquente les principaux architectes et artistes milanais de l'époque : Giuseppe Terragni, Pietro Lingeri, Franco Albini, Pietro Bottoni, le groupe BBPR, Mario Figini et Luigi Pollini, les plasticiens Lucio Fontana, Fausto Melotti, dont il partage les idées et le travail.
Gardella commence à travailler en 1930 dans l'agence de son père. Son premier projet est une tour pour la place du Dôme, à Milan. Il répond au concours d'un monument pour le régime – une Torre Littoria près de la Cathédrale (1934) –, par le projet d'un campanile, une structure en ciment armé sommée d'une cloche. Son idée est de créer un parcours ouvert, une promenade architecturale verticale qui, par une série de rampes superposées offre progressivement des vues de la place, de la ville, de ses limites. Un demi-siècle plus tard (1988) Gardella fait un autre projet pour l'aménagement du côté ouest de la même place. Cette fois, il développe horizontalement le thème de la promenade par une fontaine-monument transformée en écran grâce à l'eau qui descend en cascade.
Parmi les réalisations de l'entre-deux-guerres révélatrices de ses divergences avec certains dogmes du Mouvement moderne, ressort le projet de dispensaire pour des tuberculeux à Alessandria (1933-1938). La façade principale est à la fois une recomposition inédite des principes de l'architecture rationaliste en ciment armé et une reprise du patrimoine de traditions locales exprimé par l'emploi d'un claustra en briques qui occupe les deux tiers de la façade. Ce choix permet à Gardella de poser une succession d'écrans transparents de profondeurs différentes, de doser savamment une recherche sur la texture. Son travail sur la couleur et la lumière est jugé inédit par ses contemporains.
En 1949, Gardella passe le diplôme d'architecte à la faculté d'architecture de Venise où, à l'invitation de Giuseppe Samonà, il commence une activité d'enseignant avec un groupe exceptionnel d'architectes-pédagogues : Franco Albini, Ludovico Belgioioso, Carlo Scarpa, Bruno Zevi. En choisissant des « professionnels cultivés », qui n'enseignent pas uniquement le métier, Samonà organise une nouvelle manière d'enseigner l'architecture. À Venise, Gardella réalise l'immeuble Cicogna alle Zattere (1953). Ce projet controversé, avec ses dissymétries calculées, la fragmentation des détails, l'enduit coloré (il pastellone), la composition de la façade présentée comme une relecture de la typologie du palais vénitien, a été défini par Argan comme « la Cà d'Oro de l'architecture moderne ».
Les aménagements des années 1950 plus particulièrement liés aux arts visuels permettent à Gardella d'approfondir sa recherche sur la relation entre le contexte et l'histoire, comme dans la réfection des six premières salles du musée des Offices à Florence (1956) avec Carlo Scarpa et Giovanni Michelucci[...]
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Écrit par
- Marilù CANTELLI : architecte, historienne de l'art
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