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IKE NO TAIGA (1723-1776)

L'assimilation de l'héritage chinois et japonais

Si beaucoup de ses œuvres de jeunesse sont de vraies peintures Nanga, tel le rouleau du Rakushiron-zu (Peinture du traité du divertissement) de 1750, nombre d'autres démentent cette formation. Ainsi, les deux plus anciennes peintures que l'on connaisse de Taiga répondent à d'autres courants chinois et offrent de telles différences entre elles qu'on pourrait douter – à tort d'ailleurs – qu'elles soient de la même main. Elles datent toutes deux de 1744 : or, l'une, Ijōryū shoku-zu (Paysage d'Ijō), est caractérisée par une écriture nerveuse et soignée, de lignes très fines et plutôt sèches ; l'autre, Kizanbakufu-zu (Cascade de Minoo), révèle, en traits fermes, souples et largement brossés, la vigueur du geste.

Ike no Taiga aurait appris de Yanagisawa Kien le shito-ga (technique de peinture au doigt, où les doigts, les ongles et jusqu'à la paume de la main se substituent au pinceau), très en vogue en Chine à l'époque Qing. Taiga semble avoir recouru à cette technique pour forcer l'attention de ses contemporains, et il y mit tant de virtuosité et de spontanéité qu'il obtint ainsi une grande réputation dès sa jeunesse. Il pratiqua le shito-ga très fréquemment jusqu'au seuil de la trentaine, produisant certaines œuvres très remarquables, pour l'abandonner progressivement par la suite ; aussi la grande composition Gohyaku rakan-zu (Les Cinq Cents Arhats), faite après 1760 sur les fusuma (portes à glissière) du Mampuku-ji de Kyōto, apparaît-elle comme exceptionnelle dans la production de ses quarante ans.

On trouve donc une composante chinoise dans l'art de Taiga, mais aussi une composante nationale : l'œuvre reflète, en effet, une étude poussée du paysage monochrome japonais de la période Muromachi, qui s'inspire de la tendance chinoise de l'école du Nord et du style décoratif propre à l'école Sōtatsu-Kōrin. De cette dernière, Taiga retint surtout la technique du tarashikomi (effet très spécial de lavis obtenu par application d'une couche de couleur sur une autre encore humide), qu'il utilisa fréquemment dans ses monochromes et même dans ses peintures au doigt. Et des effets décoratifs, propres à l'école Rimpa, se retrouvent aussi dans de grandes compositions à fond d'or, rehaussées de touches vives, comme dans Rōkaku sansui-zu (Paysage aux pavillons), paire de paravents exécutée vers 1760-1770.

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Écrit par

  • : conservatrice des collections Japon, Chine et Corée aux Musées royaux d'art et d'histoire, Bruxelles, gestionnaire des musées d'Extrême-Orient

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  • JAPON (Arts et culture) - Les arts

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    ...reproduits dans les recueils illustrés de gravures et ont l'occasion de voir quelques originaux de second ordre. Leurs premiers essais sont maladroits. Ike no Taiga (1723-1776), qui étudie la calligraphie au Mampuku-ji, assimile l'esprit des Lettrés et traite avec un graphisme accru les paysages...