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IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L'OUEST, film de Sergio Leone

Une mise en scène proche de l'opéra

On retrouve dans Il était une fois dans l'Ouest tous les caractères des films précédents de Leone, mais avec une ampleur nouvelle : personnages traités comme des masques (le réalisateur dit avoir été fortement influencé par les marionnettes napolitaines, ou Burattini), déplacements lents et stylisés, comme sur une scène d'opéra, accompagnés de la musique de Morricone, qui souligne l'apparition de chacun des quatre personnages principaux par un thème qui lui est propre, tout cela combiné avec des traits réalistes, comme les visages, mal rasés, ou les regards filmés en gros plan et avec insistance. Depuis son film précédent, Le Bon, la brute et le truand (Il Buono, il brutto e il cattivo, 1966), qui se déroule au temps de la guerre de Sécession, le réalisateur cherche aussi à montrer l'histoire américaine sous un jour différent, démythifiant, loin de tout romantisme idéaliste. Il avait été précédé dans cette voie par Sam Peckinpah et Delmer Daves, entre autres, mais ses films deviennent à leur tour une référence et un modèle pour plusieurs cinéastes américains, et redonnent un souffle au genre alors périclitant du western.

Ainsi, l'ouverture sans parole du film, une séquence de presque quinze minutes consacrée à l'attente dans la gare, sur laquelle s'inscrivent les titres du générique, et où nous n'entendons que le gémissement monotone d'une éolienne, et de petits bruits qui se détachent dans le silence : une goutte d'eau, une mouche qui bourdonne, un bandit qui fait craquer ses doigts. Ce laconisme, cet emploi économe du dialogue, était certes un trait d'époque, et on le retrouve dans d'autres films contemporains appartenant à divers genres comme Le Deuxième Souffle (1966), de Jean-Pierre Melville, film policier, 2001 : l'Odyssée de l'espace (1968), de Stanley Kubrick, relevant de la science-fiction, ou encore Playtime (1967), de Jacques Tati, satire comique. Chez Leone, il contribue, avec la lenteur de l'action, à valoriser la mise en scène et le découpage. Il est indubitable que Kubrick n'aurait pas réalisé Orange mécanique (A Clockwork Orange, 1971), avec sa violence stylisée et son emploi intense de la musique, sans l'exemple donné par le réalisateur italien. Par ailleurs, Leone, qui revendiquait son admiration – allant jusqu'au plagiat assumé – pour les films d'Akira Kurosawa, influença à son tour beaucoup de cinéastes de genre à Hong Kong et à Taïwan, ainsi qu'au Japon, donnant l'exemple d'un cinéma d'action capable de rivaliser en impact populaire avec les productions américaines, et même de procurer à celles-ci un défi à relever.

Le choix, pour le rôle de Franck, d'Henry Fonda, habitué aux rôles d'hommes droits et bons, notamment dans de nombreux westerns où il défendait la loi (La Poursuite infernale, My Darling Clementine, 1946, de John Ford), procède d'une volonté de contre-emploi. Le réalisateur raconte qu'il lui fallut convaincre l'acteur de renoncer au port d'une moustache, et de verres de contact foncés pour dissimuler son célèbre regard bleu : il fallait que le spectateur reçoive tout le choc de son apparition, notamment alors qu'il s'apprête à tuer un enfant. Par la suite, Leone s'attachera à démythifier également la légende du gangstérisme, avec Il était une fois en Amérique (Once Upon a Time in America, 1984), où il célèbre et détruit en même temps le « rêve américain ».

Quant au western-spaghetti, qui avait connu quelques réussites et d'autres réalisateurs de talent, comme Sergio Corbucci, il ne survécut pas longtemps à l'écrasante supériorité et à la popularité des films de Leone. Ce dernier était par ailleurs un personnage typiquement italien par son aisance à combiner le raffinement culturel[...]

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Écrit par

  • : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III

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