IL Y A 200 ANS, LES SAVANTS EN ÉGYPTE (exposition)
On sait la fascination que l'Égypte exerce sur les Français et combien le mythe napoléonien est resté vivace. On pouvait donc prédire le succès – au demeurant mérité – de l'exposition Il y a 200 ans, les savants en Égypte, que la Grande Galerie du Muséum national d'histoire naturelle de Paris a consacrée, du 11 mars au 6 juillet 1998, aux travaux de la commission scientifique attachée à l'expédition de Bonaparte en Égypte.
L'inauguration, en présence de l'ambassadeur de la République arabe d'Égypte a coïncidé avec l'ouverture au Caire d'une controverse sur l'opportunité de célébrer ou de commémorer une expédition qui fut d'abord une conquête et une occupation militaire ; c'était là réactiver le vieux débat sur la place de l'expédition de Bonaparte dans l'éveil de l'Égypte au xixe siècle, question qui met en jeu les fondements de l'identité nationale dans ce pays. Pour contourner la difficulté, le comité franco-égyptien s'est abstenu de parrainer les manifestations directement liées à l'expédition, comme l'exposition et le colloque La Campagne d'Égypte, 1798-1801. Mythes et réalités au musée de l'Armée. Pourtant, parce qu'elles soulignaient les aspects culturels de l'expédition, deux d'entre elles ont échappé à ces jeux diplomatiques pour être finalement incluses dans le programme de l'année France-Égypte « Horizons partagés » : l'exposition de la Grande Galerie et le colloque L'Expédition d'Égypte, une entreprise des Lumières, organisé au Muséum et à l'Institut de France par l'Académie des inscriptions et belles-lettres et l'Académie des sciences. Cependant, le débat qui a agité les milieux intellectuels a privé ces manifestations d'une partie de l'apport de la recherche universitaire égyptienne.
Nul lieu n'était plus à même de présenter l'épisode scientifique de l'expédition que le Muséum national d'histoire naturelle, qui a eu ainsi l'occasion d'exposer quelques-uns de ses trésors cachés : animaux naturalisés ou en bocaux, herbiers ou dessins, fruits des travaux des zoologistes Geoffroy Saint-Hilaire et Savigny, des botanistes Delile, Coquebert de Montbret et Nectoux ou du dessinateur d'histoire naturelle Henri Joseph Redouté. Tous furent membres de la Commission des sciences et des arts qui suivit l'armée, groupant quelque cent cinquante savants, ingénieurs et artistes. Outre les naturalistes, la Commission était encore composée de quelques grandes figures de la science (les mathématiciens Monge et Fourier, le chimiste Berthollet, le minéralogiste Dolomieu) et de la médecine (le médecin Desgenettes et le chirurgien Larrey), de nombreux ingénieurs mécaniciens, ingénieurs des Ponts et Chaussées ou ingénieurs géographes, et d'une quarantaine de jeunes polytechniciens prometteurs, qui ont inlassablement dessiné, mesuré et cartographié le cours du Nil, l'isthme de Suez et les villes égyptiennes, ainsi que les pyramides, les temples et les hypogées. La galerie de portraits de ces savants et artistes, dessinés et gravés par leur collègue Dutertre, ouvrait la première partie de l'exposition, consacrée aux pratiques du voyage au xviiie siècle, aux préparatifs de l'expédition et à la traversée.
L'exposition donnait à voir les diverses facettes de l'activité de cette commission sans oublier la société égyptienne, depuis les portraits officiels des cheikhs d'al-Azhar, contraints de collaborer avec les Français, jusqu'aux ateliers des artisans dessinés par l'ingénieur Conté. Pour l'Institut d'Égypte que Bonaparte créa au Caire en août 1798, à l'instar de l'Institut national où lui-même avait été élu quelques mois plus tôt, la présentation s'articulait autour d'une reproduction de la pierre de Rosette,[...]
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Écrit par
- Patrice BRET : chercheur honoraire au centre Alexandre Koyré, EHESS-CNRS-MNHN, Paris
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