RÉUNION ÎLE DE LA
Les mutations de la départementalisation
En 1946, alors que l'empire colonial français se fissure, La Réunion devient, le 19 mars, dans la continuité de ses revendications d'avant-guerre, le 87e département français. Cette victoire électorale est étroitement liée à l'action des députés réunionnais Léon de Lepervanche et Raymond Vergès, tous deux membres du Parti communiste français. Pourtant, avec l'instauration de la IVe République, les évolutions vont être lentes, les retards dans l'application de la loi vont s'accumuler. Les réformes et les changements se font attendre, et La Réunion demeure un département oublié qui, par ailleurs, subit de plein fouet un violent cyclone en janvier 1948 (165 morts). Le département n'est pas une priorité pour le gouvernement français qui, entre 1946 et 1958, repousse la concrétisation de la départementalisation, sous le prétexte du coût trop élevé des mesures sociales et de la mise à égalité entre la métropole et les « vieilles colonies ».
Le contexte du début des années 1960, marqué par l'instauration de la Ve République – avec l'élection de Michel Debré comme député de La Réunion – et par les décolonisations, est un tournant car il oblige l'État à prendre conscience de l'existence de l'île. La départementalisation est ainsi une forme originale de décolonisation intra-française. Plusieurs événements, tels que la Constitution de la Ve République en 1958, le voyage du général de Gaulle dans l'île en 1959 avec un message volontariste pour l'outre-mer, l'indépendance de Madagascar en 1960, participent à cette reconnaissance. Ainsi, les années 1960 voient le début d'un léger décollage économique et de transformations profondes dans la société. La Réunion connaît une succession de grands chantiers qui modèlent ses paysages, comme la construction, entre 1956 et 1963, de la route sur le littoral qui relie Saint-Denis à La Possession et, plus généralement, l'amélioration du réseau routier (bitumage, routes départementales et communales, route des plaines entre Saint-Pierre et Saint-Benoît) avec, pour conséquence, la suppression du « Petit train » et l'augmentation du parc automobile (en 1959, 3 540 automobiles et, en 1965, 14 110). Un autre chantier gigantesque est l'électrification du sud et de l'ouest de l'île avec l'inauguration, en 1968, du barrage de Takamaka. Ces travaux doivent assurer le développement de la production annuelle d'électricité, qui passe de 12 millions de KWh en 1959 à plus de 100 millions en 1971. Par ailleurs, plusieurs autres réalisations ont lieu au cours des années 1960 et 1970, comme l'ouverture de la centrale hydroélectrique de Langevin, la modernisation du port des Galets, l'agrandissement de la piste de l'aéroport de Gillot, etc. Le fret aérien est en forte augmentation (277 tonnes en 1957 et 2 900 tonnes en 1969), tout comme le nombre de passagers.
Les années 1960-1970 sont également riches en débats et en confrontations politiques sur la question du statut de l'île (départementalisation ou autonomie) alimentés par deux figures emblématiques : Michel Debré et Paul Vergès. Le premier, ancien Premier ministre, député en 1963, est un défenseur de la départementalisation ; le second, fondateur du Parti communiste réunionnais (P.C.R.) en 1959, est favorable à l'autonomie de l'île. Toutefois, l'élection présidentielle de 1981 modifie les formes de la vie politique, en rompant avec cette bipolarisation. Elle ouvre une nouvelle phase politique qui s'inscrit désormais dans le cadre de la décentralisation et de la régionalisation.
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Écrit par
- Yvan COMBEAU : professeur des Universités en histoire contemporaine, université de La Réunion
- Guy FONTAINE : professeur en géographie, doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines, université de La Réunion
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