ÎLES DU SOLEIL
Célèbre utopie antique, les îles du Soleil auraient été découvertes, selon Diodore de Sicile, par un certain Jamboulos. Les conquêtes d'Alexandre ayant eu pour effet d'helléniser le Proche-Orient et d'ouvrir aux Méditerranéens et à ces Orientaux hellénisés une voie de pénétration vers l'Inde, ce monde hellénistique a vu s'épanouir une littérature romancée, intermédiaire entre l'utopie pure et le récit de voyage mêlé de merveilleux. Ainsi, dans sa Bibliothèque historique (xi, 55-60), Diodore de Sicile (ier s.) rapporte les aventures de Jamboulos, qui, au terme de nombreuses péripéties, aurait atteint les Indes, y découvrant l'utopie des îles du Soleil.
Fils d'un négociant en épices et parfums, selon ce récit, Jamboulos fut capturé, au cours d'un convoi, avec un compagnon. Devenus bergers, les deux hommes furent enlevés une deuxième fois par les Éthiopiens (dans l'Antiquité, l'Éthiopie était elle-même un pays d'utopie, car bien que son existence fût attestée par Hérodote, elle ne faisait pas partie de l'œcoumène, le monde connu d'alors). Or, la coutume de ce pays voulait que, tous les six cents ans, l'on purifiât la Terre en lançant deux étrangers en grande pompe sur la haute mer, nantis de provisions suffisantes pour six mois. Si ces ambassadeurs ou « boucs émissaires » atteignent les rivages d'une île bienheureuse, l'Éthiopie connaîtra six cents ans de paisible bonheur. Jamboulos et son compagnon abordent, au bout de quatre mois de navigation, à ces îles du Soleil.
L'accueil y est aimable, la faune et la flore étranges ; les habitants sont beaux et ont un corps flexible ; leur stature est fort grande. Leur langue, qui est bifide, leur permet de tenir une double conversation et d'imiter le chant des oiseaux. Le climat est tempéré, car « les jours sont égaux aux nuits » ; aussi les productions apparaissent-elles toujours en abondance et simultanément. Les sources chaudes et froides ont des propriétés thérapeutiques. Des animaux insolites guérissent les blessures.
Le récit de Jamboulos est particulièrement intéressant en ce qui concerne le mode de vie des habitants. On y trouve tous les thèmes utopiques : communauté de biens, des femmes et des enfants, longévité, euthanasie, suicide rituel à l'âge de cent cinquante ans (le vieillard s'étend sous un certain arbre et s'enfonce doucement dans la mort comme dans un sommeil), eugénisme : les enfants mal formés sont supprimés tandis que les autres sont soumis à une épreuve consistant à les placer sur les ailes de grands oiseaux ; s'ils supportent mal l'envol on les supprime à leur tour. Aussi la maladie est-elle rare : si quelqu'un subit accidentellement une blessure très grave ou devient infirme, il doit se suicider « selon une loi très rigoureuse ». L'influence platonicienne est manifeste sur ce point, notamment par le souci de briser la famille, cause de tous les désaccords (en faisant élever les nourrissons par des spécialistes qui échangent très souvent les pupilles afin que les mères ne puissent reconnaître leur bébé), et par le principe de copaternité et comaternité des adultes à l'égard des jeunes. Les habitants vivent en groupes « de familles ou de communautés » de quatre cents membres, sous le commandement du plus âgé, qui s'efface à l'âge légal de cent cinquante ans. Dans cette terre d'abondance, la vie demeure frugale et mesurée ; elle obéit à un régime que nous appellerions dissocié : on mange un jour du poisson, le lendemain des oiseaux, le jour suivant des fruits. L'étude des astres y est fort prisée ; l'écriture (de haut en bas et non de gauche à droite) comprend vingt-huit signes qui peuvent chacun recevoir vingt-huit utilisations différentes. L'organisation du travail fait que chaque homme assure successivement la pêche, l'exercice des différents métiers et celui de l'administration des affaires publiques.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marie-Rose MAYEUX : docteur de troisième cycle, ingénieur au C.N.R.S.
Classification
Autres références
-
ARISTONICOS (IIe s. av. J.-C.)
- Écrit par Marie-Rose MAYEUX
- 643 mots
Bâtard d'Eumène II, roi de Pergame, l'un des plus florissants royaumes d'Asie Mineure, et demi-frère par son père d'Attale III, qui en ~ 133 légua son royaume aux Romains, Aristonicos n'accepta pas ce legs, authentifié par la découverte d'une inscription à Pergame. Il se mit à la tête d'un...