ILLUMINATIONS, Arthur Rimbaud
Illuminations est le titre que l’on a donné à un recueil de poèmes en prose inachevé d'Arthur Rimbaud (1854-1891). À l'origine, la liasse de « feuilles volantes et sans pagination » était constituée de poésies en vers et en prose. Félix Fénéon fit publier la plupart d'entre elles sous ce titre, dans la revue symboliste La Vogueentre mai et juin 1886. La même année, à l'insu de Rimbaud, établi à Harar (Éthiopie) depuis 1880, l'ensemble parut en plaquette chez le même éditeur, avec une notice de Verlaine, puis fut repris chez Vanier (1892, 1895). En 1912, Paterne Berrichon, dans l'édition des Œuvres de Rimbaud au Mercure de France, préfacée par Paul Claudel, décida, sans conviction, de distinguer les « Vers nouveaux et chansons » des « Poèmes en prose » désormais considérés par leur unité formelle comme un projet indépendant (et regroupant Une saison en enfer et les Illuminations).
Contrairement à Ernest Delahaye qui avance les années 1872 et 1873, Verlaine, seul témoin direct, situe dans sa notice leur composition à l’époque des voyages que Rimbaud fit en Belgique, en Angleterre et en Allemagne (« Villes »), entre 1873 et 1875. Si les Illuminations viennent après le renoncement à créer une langue qui serait « de l’âme pour l’âme », comme le voulait la Lettre du voyant (15 mai 1871) écrite à Paul Demeny, ce projet n’en serait pas moins l'ultime tentative du poètepour fonder une autre vie.On considère que les Illuminations chevauchent la Saison en enfer, qui interrompt leur composition d'ailleurs fragmentée.
Un livre de crise
Cette œuvre en cours d'écriture s'inscrit dans un climat d'instabilité existentielle, de crise amoureuse, de révolte contre la société et le monde des lettres. Certaines pièces auraient été conçues, dès septembre 1872, à Londres, où Rimbaud vivait avec son amant Verlaine. Le projet aurait été poursuivi durant le second séjour du couple dans la capitale anglaise, de janvier à avril 1873, qui se solde le 10 juillet, à Bruxelles, par le coup de revolver de Verlaine sur Rimbaud et leur séparation. Après son retour à la ferme maternelle de Roche, au cours duquel il compose Une saison en enfer (1873), Rimbaud repart avec Germain Nouveau en Angleterre, de mars à juin 1874, période durant laquelle il recopie les Illuminations, aidé de Nouveau. Il quitte l'Angleterre vers la fin de cette même année 1874, rentre vraisemblablement à Charleville, puis se rend à Stuttgart en février 1875. Rimbaud aurait alors remis la liasse des Illuminations à Verlaine, tout juste sorti de prison, au cours d'une entrevue tumultueuse afin que celui-ci l’expédie à Germain Nouveau en vue d'une publication à Bruxelles. Ensuite, Verlaine aurait confié les manuscrits des Illuminations à son beau-frère musicien Charles de Sivry pour qu'il les mette en musique. Il finit par récupérer les manuscrits en 1886 et Félix Fénéon les fit éditer.
Selon la notice de Verlaine, « le mot Illuminations est anglais et veut dire gravures coloriées – colored plates ». Étiemble retient la formule de « painted plates », extraite d'une lettre de Verlaine, et qui « veut dire enluminures ». Les illuminations renvoient tout à la fois aux images peintes d'un manuscrit d'un nouvel âge, à des moments d'inspiration subite, d'excitation cérébrale, d'hallucinations mystiques, de révélations prophétiques, et à des flashes aux lumières révolutionnaires. Ces quarante-deux courtes pièces apparaissent comme autant d’études et d’essais pour réinventer, grâce au pouvoir des mots, le poème en prose. Ces tentatives répondent à la fascination du fragment et excèdent le rêve baudelairien d'une prose musicale qui rassemblerait les « ondulations de la rêverie », les « soubresauts de la conscience » et les « mouvements lyriques[...]
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Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
Classification
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