ILLUMINÉS DE BAVIÈRE
Fondé le 1er mai 1776 par Adam Weishaupt (1748-1830), professeur de droit à Ingolstadt en Bavière, l'ordre des illuminés se situe dès son début aux antipodes des différents courants « illuministes » de Martinez Pasqualis, de Saint-Martin, de Swedenborg, de Mesmer, de Cagliostro. Weishaupt, adepte en secret depuis longtemps des philosophes français les plus extrémistes, devenu matérialiste et athée, se trouvait en butte, malgré ses précautions, à la malveillance de ses collègues dans cette université d'Ingolstadt qui était depuis longtemps le bastion principal des Jésuites en Bavière. Ainsi se comprend son projet : emprunter aux Jésuites leur discipline et cette dissimulation qui, à ses yeux, faisait leur force, pour mieux combattre l'obscurantisme ; enrôler des adeptes en les alléchant par la promesse d'initiations successives à de nombreux grades supérieurs ; faire de chaque initiation l'étape d'une démystification, où l'adepte serait amené à rejeter toujours davantage les croyances religieuses, les préjugés sociaux et les timidités politiques devant la perspective de la grande transformation humaine à laquelle il devait travailler.
Les débuts sont lents et difficiles. À la fin de 1779, l'ordre ne compte encore que quelques dizaines de membres et n'a pas dépassé les frontières de la Bavière. Mais, en 1780, l'adhésion du Hanovrien Adolf von Knigge (1752-1796), déiste d'origine protestante et disciple de Rousseau, lui donne un nouvel essor. Mieux doué que Weishaupt pour élaborer les initiations aux hauts grades et pour mener une propagande, Knigge obtient vite des résultats : à la fin de 1784, l'ordre s'est infiltré dans la franc-maçonnerie, où il dirige ou inspire de nombreuses loges, a largement essaimé hors de Bavière (notamment en Autriche) et compte environ 2 400 membres dont plusieurs personnalités importantes. Le déclin ne va guère tarder pourtant ; Knigge trouve Weishaupt trop sectaire ; Weishaupt juge Knigge encore trop mystique. À ces discordes s'ajoute la campagne menée contre l'ordre par les rose-croix ; rose-croix lui-même, Frédéric-Guillaume de Prusse voit dans les illuminés des partisans de l'hégémonie autrichienne (Joseph II leur est favorable) et dénonce leurs tendances subversives pour la société comme pour la religion. Dès mars 1785, l'Électeur de Bavière, Charles Théodore, dont le confesseur est un ancien jésuite, interdit l'ordre et déclenche contre lui des persécutions policières. À Vienne, à Salzbourg, à Gotha, à Weimar, les illuminés ne sont pas inquiétés, et Bode (l'éditeur de Lessing) multiplie ses efforts pour ranimer et même étendre l'organisation. Mais la saisie et la publication de nombreux documents intérieurs à l'ordre lui portent un coup plus grave ; le machiavélisme un peu puéril de sa méthode est éventé. Vers 1790, on peut estimer que les illuminés ne subsistent plus qu'individuellement ou par petits groupes.
Mais leur influence ne saurait être réduite à leur organisation. Le travail intellectuel effectué en vue de l'obtention de chaque grade était intense et systématiquement programmé : les Dialogues maçonniques de Lessing, les œuvres de Herder, de Wieland, de Rousseau étaient pour les premiers grades ; aux plus hauts initiés étaient réservés des textes plus radicaux, comme ceux d'Helvétius. L'initié du 8e grade, le « chevalier écossais », se voyait proposer Jésus comme modèle, mais s'entendait enjoindre : « Ne plie plus jamais le genou devant celui qui est un homme comme toi. » L'initié du 9e grade, le « prêtre », était mis en garde contre la tyrannie des dogmes et des Églises et apprenait que seul le libre exercice de la raison humaine pouvait fonder le royaume de Dieu sur la terre. L'initié du 10e grade, le[...]
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Écrit par
- Jean MASSIN : écrivain
Classification
Autres références
-
CONSPIRATIONNISME
- Écrit par Emmanuel TAÏEB
- 6 436 mots
- 2 médias
En 1776, le franc-maçon et professeur de droit canon, Adam Weishaupt, fonde l’ordre des Illuminés de Bavière avec l’ambition rationaliste de créer une organisation séculière capable de libérer le monde des religions et des autorités politiques. L’ordre compte environ 2 500 membres au début des années...