ILLUMINISME
Les thèmes fondamentaux
L'esprit et la lettre
L'illuminisme a pour thème fondamental la distinction entre l'esprit et la lettre, entre la lumière et la matérialité. Sans levain, c'est-à-dire dépourvue de la lumière de l'esprit, la lettre est vide de sens et par conséquent de vie. L'esprit s'oppose à la lettre qui appartient à la multiplicité. Ainsi la Bible renferme toute la science secrète ; interpréter les textes en tenant compte uniquement de la lettre morte, c'est refuser la nourriture que contiennent les paroles sacrées présentées le plus souvent sous des formes allégoriques et symboliques. On le voit avec l'exégèse biblique de Swedenborg (Arcana caelestia), qui distingue trois sens : célestiel, spirituel, matériel. À cette opposition entre la lettre et l'esprit correspond l'abîme séparant la vérité de l'erreur, car la première est une, la seconde appartient à la multiplicité. Le diable (diabolos) en tant que diviseur est le séparateur qui engendre le nombre ; et si le monde est haïssable, c'est en raison de son caractère de multiplicité. Pour Boehme et William Blake, dans l'unité qui régnait à l'origine la chute introduisit la division, donc la pluralité ; c'est pourquoi le cœur de l'homme aspire à l'unité. La distinction entre l'esprit et la lettre caractérise la position de l'illuminisme en face des religions qui, dans la mesure où elles se diversifient, appartiennent à la dimension extérieure, par conséquent au monde, et se nourrissent non de l'esprit mais de la lettre. Il est donc nécessaire de revenir à une religion intérieure, puisque l'esprit ne peut être reçu que du dedans, à la différence de la lettre qui n'agit qu'extérieurement.
L'opposition entre l'homme extérieur et l'homme intérieur est, sinon constamment exprimée, du moins toujours présente dans l'illuminisme. L'univers intérieur et son immensité relèvent de la grâce créatrice. L'homme est image de Dieu, en dépit de la défiguration qui l'affecte en tant que créature limitée et imparfaite. Cette parenté divine l'oriente vers son destin, qui est la déification. C'est parce qu'il est esprit qu'il est théophore, porteur de Dieu, et que Dieu peut naître en lui à l'instant même où il naît en Dieu. S'il adhère à la lettre, c'est-à-dire à la dimension extérieure et à la chair, tout devient pour lui confusion. La distinction entre l'esprit et la lettre introduit, dans l'illuminisme, un sens hiérarchique, un ordre et une mesure, qui permettent à l'homme de distinguer les différents niveaux. Les parties inférieures de l'âme, tout en étant éclairées par le divin, doivent demeurer à leurs places respectives sans tenter d'en sortir. Seule la partie supérieure de l'âme, dont la fine pointe se nomme esprit, peut communiquer avec Dieu. Ainsi l'homme porte en lui son ciel et son enfer, qui ne constituent pas des lieux situés dans l'espace mais appartiennent à l'être même. Le ciel symbolise la liberté, la lumière, l'amour, l'unité ; l'enfer est nuit et multiplicité. Enfin, l'homme est sujet aux maladies que Paracelse nomme « tartariques » et qui, psychiques, physiques ou mentales, proviennent du « Tartaros » traversant l'individu.
Les correspondances et la théorie des contraires
Pour Swedenborg et plus tard pour Blake, des correspondances existent entre le monde matériel et le monde spirituel. Tout homme possède, en dehors de son corps physique, un corps spirituel qui appartient au monde invisible et qui peut se manifester. Cette loi des correspondances se retrouve chez Boehme qui l'a puisée dans l'alchimie, et pour qui « Tout le monde extérieur, visible, avec toutes ses créatures, est une similitude en figure[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Étienne PERROT : diplômé d'études supérieures de lettres
Classification
Autres références
-
ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine
- Écrit par Michel EUDE et Alfred GROSSER
- 26 883 mots
- 39 médias
...pratiques charitables. Un autre courant religieux – il serait plus exact de parler de religiosité – traverse l'Allemagne à la fin du xviiie siècle : l' illuminisme. Forme de la franc-maçonnerie mystique, fondée en 1776 à Ingolstadt, l'illuminisme fit des adeptes en Allemagne du Sud parmi les membres des... -
ALUMBRADOS
- Écrit par Raoul VANEIGEM
- 382 mots
Proches des Libertins spirituels, qui furent dénoncés par Calvin, les alumbrados ou illuminés, signalés en Espagne au xvie siècle, voyaient dans les affinements de l'amour charnel la réalisation de l'amour divin, dont chacun porte l'étincelle. Initialement suspectés d'...
-
CAZOTTE JACQUES (1719-1792)
- Écrit par Denise BRAHIMI
- 600 mots
Dans la première partie de sa vie, rien ne semblait destiner Cazotte à la littérature. Il naît en 1719 à Dijon, où son père est greffier des états de Bourgogne et entreprend des études de droit. À Paris, où il vient en 1740, la protection de Maurepas lui permet d'entrer dans l'administration de la...
-
KIRCHBERGER NIKLAUS ANTON (1739-1799)
- Écrit par Antoine FAIVRE
- 186 mots
Praticien bernois, Niklaus Anton Kirchberger n'a pratiquement pas laissé d'ouvrages, mais sa correspondance avec un grand nombre d'« illuminés » témoigne de son influence et constitue l'un des documents les plus précieux sur la théosophie au xviiie siècle. Ami de Rousseau...
- Afficher les 14 références