ILLUMINISME
Illuminisme et sciences traditionnelles
Au Moyen Âge et à la Renaissance, les traités consacrés à l'astrologie contenaient le plus souvent des conseils concernant la médecine, la magie et l'alchimie, qui étaient constamment étudiées en rapport les unes avec les autres. Les illuministes vont, pour la plupart, conserver cet usage, fidèles en cela aux grands principes de l'hermétisme pour qui la connexion de ces différentes disciplines fait partie de l'enseignement de la sagesse. Ainsi l'astrologie ne consiste pas à dévoiler les événements d'une vie humaine singulière, qui ne sont que des incidents d'une importance relative et dont la prédiction peut être, en définitive, néfaste au déroulement paisible d'un destin. Il importe bien davantage de connaître la vocation précise d'un individu, ce qu'il lui faut acquérir pour mieux répondre à sa propre mission, ce qu'il doit émonder en lui pour s'accomplir.
Il en va de même de l'alchimie, qui est la science suprême en ce qu'elle révèle – au double sens du grec apokaluptein : dévoiler et recouvrir – les lois mystérieuses suivant lesquelles la nature opère ses incessantes transformations. Celles-ci sont autant de figures imparfaites de celle qui est le terme et le but de la création tout entière, le grand œuvre, dont il est évident que l'agent, le patient et le vase – l'athanor – ne peut être que l'homme, « de toutes les merveilles la plus grande » (Sophocle). L'étymologie la plus obvie et la mieux attestée du mot alchimie est chêmia, nom désignant, selon Plutarque (Isis et Osiris, chap. xxxiii), la terre noire d'Égypte, figure d'Isis, la Grande Mère en qui le grain meurt pour ressusciter, tel Osiris, dans l'or de l'épi. « J'ai ouvert le Livre à ceux qui savent, dit Hermès, et j'ai celé aux autres les choses qui leur étaient inconnues et cachées. » À tous les stades de son histoire, l'alchimie propose aux passants l'énigme du Sphinx. Dans chaque génération il s'est trouvé des Œdipes pour lire les secrets « dissimulés par les Anciens sous des noms de Pierre », comme le déclare expressément le premier adepte connu, Wei Po yang, artiste chinois qui opérait au iie siècle après J.-C. Les illuministes, en rapportant – plus ou moins ouvertement – à l'homme les opérations du magistère alchimique, sont des anneaux de la chaîne d'or où se rejoignent et se font écho, d'âge en âge, les détenteurs du « secret des secrets » sorti, pour nous, des temples égyptiens. Ce secret n'est autre que la vocation de l'homme à la métamorphose divine, à laquelle les différentes voies religieuses, malgré les étroitesses et les susceptibilités de leurs orthodoxies, offrent la lumière et la chaleur de leur Esprit avec l'humidité de leurs images et de leurs rites. Plongeant plus loin que les diversités périphériques, les alchimistes se rejoignent au « Centre » où ils forment l'Église invisible communiant dans l'unité au-delà de tout nom. On voit l'abîme qui sépare cette concorde d'un œcuménisme de surface réalisé au niveau de l'intellect ou de l'effusion sentimentale, privé de racines et voué, dès lors, à la stérilité de tous les syncrétismes. Un excellent témoin de cette vision en profondeur est Pernety dont les ouvrages montrent assez dans l'alchimie le yoga immémorial de l'Occident, sans rien sacrifier pour autant du langage obscur des vieux auteurs.
L'illuminisme porte, en outre, intérêt à la divination. Les signes étant révélateurs à condition d'être saisis dans leur signification profonde, Swedenborg assigne un rôle particulier à l'attention qui sait les percevoir. Le langage dans l'illuminisme se réfère à une magie, non seulement en tant qu'il met en jeu une « magie du verbe[...]
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Écrit par
- Étienne PERROT : diplômé d'études supérieures de lettres
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