ILLUSTRATION
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Le siècle de l'illustration
Bien qu'elle soit issue de modèles anglais offerts par la presse et le livre, c'est en France que l'illustration a trouvé son plein essor au point de devenir momentanément un art majeur. Favorisé par la rencontre de l'écrivain et de l'artiste que suppose le cénacle romantique, cet essor remarquable découle aussi de l'importance accrue du monde des éditeurs : en effet, l'illustration est une lecture du texte qui a pour fonction principale d'adapter l'écrit au lecteur visé afin d'élargir le public de l'imprimé.
Au xixe siècle, la grande période de l'illustration se déploie en France entre 1830 et 1875 environ, après s'être annoncée sous la Restauration ; elle s'est manifestée de manières différentes, par étapes successives, et à travers des genres variés, liés aux publics visés par l'éditeur. Elle relève de la phase de croissance de l' imprimé, subordonnée à l'alphabétisation massive, qui coïncide avec l'avènement de l'image, d'autant plus que les perfectionnements techniques, l'accroissement des tirages ont permis de diminuer les prix de vente : malgré la prophétie de Victor Hugo, qui est celle de la « galaxie Gutenberg » et du « sacre de l'écrivain », le texte ne tuera pas l'image ni l'imprimé l'architecture, ceci ne tuera pas cela (Notre-Dame de Paris, chapitre ajouté en 1832) !
Finement gravée sur bois de bout, la vignette imite le croquis à la plume, et son « griffonnis » flotte sur l'espace de la page imprimée où elle prend place à l'intérieur de la justification. D'abord réservée à cette « entrée » du livre qu'est la couverture ou la page de titre, elle s'immisce par la suite dans le cours du texte dont elle devient l'incessant contrepoint.
La vignette-frontispice
L'étape de la vignette-frontispice, dont Asselineau et Champfleury furent les premiers historiens, s'annonce chez Achille Devéria, Henri Monnier, Louis Boulanger et Tony Johannot à la fin des années 1820 et s'impose entre 1830 et 1835, avec un sommet en 1832 et 1833. Elle est l'apanage presque exclusif de Tony Johannot, inséparable du graveur Henri-Désiré Porret. Le public, au dire des contemporains, s'arrache ces vignettes : « nous voulons des vignettes, le libraire veut des vignettes, le public veut des vignettes » (Edouard Thierry, préface de Sous les rideaux, 1832). Celles-ci deviennent une nécessité pour lancer les nouveautés littéraires de Gustave Drouineau, du vicomte d'Arlincourt, de Régnier-Destourbet, d'Eugène Sue, de Jules Janin ou d'Alphonse Karr, mais aussi de Vigny, Balzac ou Victor Hugo : drames, poésies romantiques et, plus que tout, romans, qu'elles font lire dans les cabinets de lecture. Semblables à l'enseigne, elles se rendent inséparables du titre du livre qu'elles représentent : « ces vignettes, pour lesquelles on choisissait toujours la scène la plus horrible du drame ou du roman, sont comme les armes parlantes du romantisme » (Adolphe Jullien, Le Romantisme et l'éditeur Renduel, 1897) ; dans L'Artiste, comptes rendus et annonces reproduisent les vignettes et les commentent, à tel point que l'image, à l'instar du titre, connaît une diffusion plus large que le livre lui-même !
Ces articles témoignent de la manière dont les contemporains reçoivent les vignettes, comme une énigme entretenant un suspense dont il sera de bon ton dans les salons de détenir la clé. Loin de prétendre résumer le livre entier, la vignette montre la scène à sensation, non sans un goût pour les effets de mélodrame : le Grand Guignol et le paroxysme ; la mélancolie et le sentimentalisme ; le tableau vivant. Mais les stéréotypes qui s'adressent au public large des « nouveaux lecteurs » sont parfois empreints[...]
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Écrit par
- Ségolène LE MEN : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense
- Constance MORÉTEAU : doctorante en histoire de l'art à l'université de Paris-X-Nanterre
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