ILLUSTRATION
Les grands domaines de l'édition illustrée
Alors que l'époque romantique a forgé le langage de l'illustration, qui pouvait se prêter à toute la gamme de l'édition illustrée, mise à la mode par les éditeurs de pittoresques, la seconde moitié du siècle voit l'illustration se spécialiser sur ses terrains de prédilection, la presse, le livre populaire, le livre pour enfants.
La presse illustrée
Si, dans le livre, les genres illustratifs qui se sont dégagés dans les années 1840 se confirment, le journal suscite le croquis de presse et l'histoire en images. Vignette satirique légendée en une ligne, dans laquelle se spécialisent Cham, Nadar ou Hadol, le croquis de presse décoche d'un trait sa flèche et fait sourire le lecteur ; il réussit au mieux lorsqu'il est présenté en série pour la « revue » figurée de la semaine ou du mois. Dans cette mise en pages, où le dessin de presse apparaît en bandes qu'il faut lire de gauche à droite, il se rapproche de l'histoire en images, l'autre formule à succès de l'illustration de presse : celle-ci, inventée dans les années 1820 par le maître de pensionnat genevois Töpffer, a été popularisée en France dès la fondation de L'Illustration par l'entremise de l'un des directeurs du journal, son cousin Dubochet ; ce dernier faisait redessiner par Cham, en vue de la gravure sur bois, les croquis à la plume et à l'encre de Chine autographiés de Töpffer. L'éditeur Aubert lance bientôt sa collection d'albums Jabot, où les héros de Töpffer côtoient ceux du collégien Doré dont les premières œuvres sont des histoires en images. Et le genre fera fortune dans la presse illustrée de la seconde moitié du siècle, avec Willette pour Le Chat noir, par exemple, ou Christophe dans Le Petit Français illustré.
L'illustration populaire
L'édition illustrée populaire dite « à quatre sous », apparue en janvier 1848 chez l'éditeur Havard, connaît son apogée de 1851 à 1855, avant de disparaître dans les années 1860 à la fin de l'Empire autoritaire ; elle va exploiter ces nouvelles habitudes éditoriales associées à la pratique du réemploi ; en effet, au moment où le gouvernement renforce le contrôle du colportage (janvier 1852), où l'extension du réseau des chemins de fer suscite de nouveaux modes de lecture populaire, ont lieu de nombreuses cessions de fonds de gravures ou de nouvelles associations d'éditeurs. Elles sont dues à la crise de 1846 qui avait mis les éditeurs de pittoresques en difficulté, puis à l'exil politique qui frappe au sein de la profession les républicains comme Hetzel après le coup d'État du 2 décembre 1851. La plupart des nombreuses collections répertoriées par Claude Witkowski comportent des illustrations de réemploi, bien que certaines fassent appel à des illustrateurs de métier, comme Worms, Foulquier ou Beaucé ; la collection des Chefs-d'œuvre de l'illustration reprend les grands illustrés romantiques.
Ces éditions populaires, elles aussi publiées par livraisons, « à quatre sous », se rapprochent encore de la presse qui avait déjà suscité l'éclosion des livraisons romantiques à 50 centimes : la page y est subdivisée en colonnes, espace visuel familier au lecteur de journaux, comme l'est aussi le rectangle oblong dévolu au bloc typographique, au bas de la double page centrale illustrée de chaque livraison ; cet emplacement au « rez-de-chaussée » de la page évoque irrésistiblement le feuilleton de presse – tout le reste de la surface, les deux tiers de la page, étant dévolu aux deux grandes vignettes qui ornent la double page. Enfin, la « une » de chaque livraison, avec son bandeau d'en-tête toujours identique, ressemble à celle du journal. Seul le format change, car l'édition populaire préfère l'in-quarto à l'in-folio de la presse.[...]
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Écrit par
- Ségolène LE MEN : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense
- Constance MORÉTEAU : doctorante en histoire de l'art à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias
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